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Théâtre de Goll

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3 décembre 2008

Autour de Royal Palace

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Royal Palace, Musik von Kurt Weill Opus 17. Oper in einem Akt -  (Opéra en 1 acte dédié à George Kaiser) Text von Iwan Goll

Livret sans musique, in - 8 de 16 pages

Partition pour piano avec texte d'Arthur Willner, 83 pages .

Universal-Edition A.G.Nr.8691, Wien - New-York 1926

 

Dans une lettre du 12 mars 1927 à Jean Painlevé, Ivan Goll, absent à la générale de Mathusalem , évoque la première de Royal Palace :

 

Ivan Goll - lettre du 12 mars à Jean Painlevé

Cher ami,  

Ainsi,  après que vous ayez préparé Mathusalem,  ma chère oeuvre,  avec tant d’amour et de dévouement - le sort a voulu que je fusse exclu du dernier effort et du suprême élan!  Oh,  comme je regrette!  Mais n’y a-t-il pas beaucoup de votre faute?  Pourquoi ne rien m’avoir écrit,  m’avoir laissé sans le moindre détail sur votre travail et tout ce qui se préparait. Un petit télégramme de votre part et j’étais dans le train de Paris!  Mais votre silence ne pouvait que me faire prévoir que vos répétitions suivaient toujours le même train que depuis le 15 novembre. Seule une lettre charitable de Gine Avril m'a ouvert les yeux,  arrivée le soir même de mercredi:  jour de la Générale!  Faut-il vous décrire mon effarement et mon chagrin?  

Ici tout avait si bien marché! Triomphe à l’Opéra d 'Etat, ci-devant impérial,  où mon "Royal Palace" a ébranlé comme une bombe les poutres ancestrales. Un opéra de jazz,  avec film,  décors cubistes,  et une musique effrénée,  atonale,  toute moderne :  un parquet d’élite,  le Tout Berlin grossi de curieux accourus de toute l’Allemagne,  critiques de Prague et de Francfort. Et ils n’en sont pas encore revenus ? !

Et maintenant:  Mathusalem sans moi. Toutes mes joies s’effondrent!

Ecrivez-moi,  téléphonez-moi  

votre inconsolable  Ivan

Mathusalem ne fut jouée que cinq fois, avec en moyenne une cinquantaine de spectateurs à cette heure inhabituelle pour un théâtre.

 

  Ivan

Dans "Le Monde" du 03.08.2001:

" Royal Palace, de Kurt Weill, rareté de 1925 d'avant L'Opéra de Quat'sous, mi-sérieuse, mi-thé dansant., a été donné le 2 août sous la direction de Sir Andrew Davies ....on avouera être venu ce soir surtout pour la rareté de Kurt Weill, un opéra de poche, au texte vaguement décalé et onirique, d'Yvan Goll, Royal Palace, écrit en 1925 et créé deux ans plus tard par Erich Kleiber . Les parties orchestrales ayant été perdues, Gunther Schüller les a formidablement "réinventées", en 1971 à partir de la réduction pour piano qui, elle, a survécu . La beauté de son instrumentation , avec ses mélanges de percussions et la présence d'un saxophone, concourt grandement à l'intérêt de cette redécouverte . C'est un Kurt Weill d'un raffinement extrême, qui ne pèse jamais ( comme c'est hélas le cas dans l'opéra Die Burschaft (1930-1932), par exemple. Dans Royal Palace , on admire le trait net de l'écriture mais aussi les beaux passages mercuriaux du rôle principal féminin ( excellente Janice Watson ), le choeur final, les passages de danse, disposés comme les "follies" d'une comédie musicale ou d'une revue pour Broadway, un genre dans lequel Weill n'allait s'illustrer que bien plus tard . Royal Palace peut paraître un peu court de portée, mais c'est surtout en raison d'un texte elliptique. C'est en tout cas un concentré parfait du meilleur Kurt Weill, parfaitement cajolé et puisé par Andrew Davies. R.Ma.

 

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3 décembre 2008

Autour de Mathusalem

mercredi 3 décembre 2008

Die Neue Schaubühne I (1919) H.6 - Iwan Goll : Explosion (un acte) p.173 à 180

Erwin Piscator : Das Politische Theater : 1919

Thomas Münzer p.38, pièce d'Iwan Goll qui fut jouée à Berlin en 1920

Die Neue Schaubühne I (1919) H.7 -

Iwan Goll : Das Überdrama (Aufsatz) p. 265 / 267, Der Unsterbliche. Aus dem Manuskript "Die Unsterblichen", zwei Überdramen p.268/276

Ivan Goll : La Chaplinade ou Charlot poète      

Paris, Editions de la Sirène, Crès, 1919

Iwan Goll : Die Unsterblichen (Les Immortels) Zwei Possen (deux farces), zwei überdramen (deux surdrames): Der Unsterbliche ( Celui qui ne meurt pas , Surdrame en 2 actes) , Der Ungestorbene ( Assurance contre le Suicide, Surdrame en 2 actes)

Der dramatische Wille : Band V 18 cm. - 157 p.

Postdam, Gustav Kiepenheuer Verlag, 1920

"Celui qui ne meurt pas" (jamais représenté en France) et "Assurance contre le Suicide" écrit en 1918, publié dans "Le Nouvel Orphée" aux Editions de la Sirène en 1923, représenté au Théâtre Art et Action  (Autant-Lara) le 20 mars 1926.

La préface parue en allemand en 1920 est significative :

Un combat difficile est mené à propos du nouveau drame: le Surdrame.

   Le premier était celui des Grecs, où les dieux se mesuraient avec les hommes. Quelle formidable aventure c'était: l'honneur que le dieu faisait alors à l'homme ! Duel divin que les siècles futurs ne verront plus.

    Le drame impliquait une énorme augmentation de la réalité, une plongée profonde, obscure , dans la passion sans bornes, dans la douleur dévorante, le tout dans des couleurs surréelles.

Plus tard, le drame vint de l'homme  à cause de l'homme : démêlés avec lui-même, psychologie, problématique, raison. Il ne s'agit plus que d'une réalité, d'un domaine, et , de ce fait toutes les dimensions sont limitées. Tout tourne autour d'un homme et non plus autour de l'Homme. La vie collective a du mal à s'y exprimer : aucune scène de foule n'atteint la force du choeur antique. Et l'on s'aperçoit à quel point cette lacune est visible dans les pièces du siècle dernier qui s'essoufflent et qui n'ont aucun autre but que d'exister . C'est intéressant, ou verbiage d'avocat, ou provocateur, simple imitation de la vie , sans rien  de créateur .

  Le dramaturge moderne sent qu'il est sur le point de livrer un combat final et affronter en tant qu'homme tout ce qui,  en lui, comme autour de lui, est chose ou animal .…

On montrera l'homme et les choses aussi nus que possible, et pour obtenir un meilleur effet, toujours à travers un verre grossissant.

  On a complètement oublié que la scène n'est rien d'autre qu'un verre grossissant. .…

On a complètement oublié que le premier symbole du théâtre était le masque. Celui-ci est rigide, unique et impressionnant. Il est inaltérable, irrévocable, on ne peut lui échapper, il est le Destin.

  Tout homme porte son masque, que les anciens nommaient sa Responsabilité. .…

Il y a dans le masque une loi, qui est celle du drame lui-même. C'est que l'irréel devient un fait. On vous prouve un court instant que la chose la plus banale peut être irréelle et " divine", et que là précisément réside la plus grande vérité. La vérité n'est pas enfermée dans les bornes de la raison. C'est la vie, et non la "pensée". Et l'on vous montre ensuite que tout phénomène, le plus bouleversant comme le plus petit battement inconscient des cils, est d'une importance capitale pour tout ce qui vit ici-bas.

  La scène ne doit pas se borner à reproduire la vie réelle, et elle devient surréelle lorsqu'elle montre à tous ce qui se cache derrière les choses. Le réalisme pur fut la grande aberration de toutes les littératures.

    L'art n'est pas là pour la commodité des gros bourgeois, qui secouent la tête , disant : « Oui, oui, c'est comme ça. A présent, allons au buffet nous rafraîchir ! » L'art, dans la mesure où il veut éduquer, améliorer, être efficace d'une façon quelconque, doit supprimer l'homme de tous les jours, l'effrayer comme le masque effraie l'enfant et Euripide les Athéniens qui sortaient du théâtre en titubant. L'art doit refaire de l'homme un enfant. Le moyen le plus simple pour y arriver, c'est le « grotesque », dans la mesure où il n'incite pas à rire. La monotonie et la bêtise des hommes sont si énormes qu'on ne peut y remédier qu'avec des énormités. Que le drame nouveau soit donc énorme.

     C'est pourquoi le nouveau drame aura recours à tous les moyens techniques qui remplacent aujourd'hui le masque , par exemple le phonographe, qui déguise la voix, la réclame lumineuse ou le haut-parleur. Les interprètes devront porter des masques démesurés, ou leur caractère sera aussitôt reconnaissable d'une façon grossièrement extérieure : une oreille trop grande, des yeux blancs, une jambe de bois. A ces exagérations physiognomoniques, que nous ne considérons pas comme des exagérations, correspondront les exagérations internes de l'action : les situations pourront être montrées à l'envers et, afin de les rendre plus impressionnantes, on pourra même remplacer une expression par son contraire. L'effet sera exactement le même que lorsque l'on fixe longtemps un échiquier et que l'on commence à voir blancs les carrés noirs , noirs les carrés blancs ; les conceptions se chevauchent là où l'on touche aux frontières de la vérité.

  Nous voulons un Théâtre. Nous voulons la vérité la plus surréelle. Nous sommes en quête du surdrame.             Yvan Goll 1920 ( écrit en 1919 )

Clarté n°10 - 29 janvier 1920. Bulletin Français de l'Internationale de la Pensée :Bi-hebdomadaire . Directeur Henri Barbusse . Ivan Goll: L'Art révolutionnaire :

"C’est un nouvel art qui naît,  l’art de la rue,  l’art pour tout le monde...L’art devient nécessaire à la vie d’un peuple en marche...

L’artiste individuel perd sa signification . La Révolution russe montre que l’art nouveau s’achemine à grands pas vers l’art collectif, tel que fut l’art de toutes les grandes époques."

La Chaplinade inaugure une nouvelle époque de l'art:  celle de la poésie cinématographique. La base cinématographique est le MOUVEMENT. Il est à la base de chaque art. Ils sont très peu nombreux ceux qui ont réussi à penser cinématographiquement-poétiquement. Ils sont peu ceux qui ont vu les nouvelles possibilités du nouvel art. Goll est l'un des premiers. Il y a du clair voyant en lui.

(Du livre en préparation: Réalisators . Bosko TOKIN)

                       Zenit,  Année I,  n°1,  p.5-9. Zagreb,  Février 1921)

                                                                   Bosko TOKIN

Iwan Goll : Seele über Bord ( Ame par-dessus Bord ), pièce en allemand jouée au Théâtre d'Etat de Cassel. Novy Orfeus, traduction tchèque de Zdenek V. Kalist.

Editions Nakladatelstvi A. Srdce V, Prague 1921

Ivan Goll : Congo - Caoutchouc, écrit en 1921, (pièce française, volée avec tous nos biens par les allemands ), note manuscrite de Claire Goll  sur un exemplaire de Poètes d'Aujourd'hui n° 50 ,  Yvan Goll , Pierre Seghers Editeur - Paris 1956 (222 p. ), page 212

L'Esprit Nouveau (mensuel) n° 7 - avril 1921, Directeur Paul Dermée. Ivan Goll : Le mouvement théâtral en Allemagne : Le drame moderne p.742 à 747

Editions de L'Esprit Nouveau, Paris. 

(quelques extraits de cet article seront reproduits dans: Obliques nº6-7  (p.129) Paris, 1976 : l'Expressionnisme Allemand :

La scène allemande devance le théâtre français d'au moins 15 ans à tous les points de vue.

- Technique:

1) La scène tournante du Deutsches Theater et de quelques autres est déjà classique, presque "vieux jeu".... On est presque tenté de dire que ce sont ces poètes qui ont suggéré l'idée d'inventer un moyen qui remplaçât l'éternel changement de coulisses.

2) Les décors sont complètement modernisés. Les plus jeunes peintres expressionnistes, extrémistes sont appelés à fournir les cadres appropriés aux pièces révolutionnaires de leurs contemporains....De sorte que l'Expressionnisme qui correspond au Cubisme français, a déjà droit de cité partout, tandis que le fait que Picasso collabore à un ballet russe, est encore considéré comme un événement

3) L'acteur est intellectuel, très individualiste et un laborieux mineur de nouvelles valeurs également. Le grand acteur allemand est une personnalité d'esprit, et non seulement ce qu'on appelle un "ténor". Il est le plus précieux ami du poète dramatique.

Cinéa n° 1- 6 Mai 1921. Hebdomadaire illustré .

Ivan Goll : Le Cinéma allemand, Films cubistes  pages 20-21

Editeurs Louis Delluc et A. Roumanoff, Paris

Zenit I - n° 5 - juin 1921 - Revue internationale yougoslave :

Manifeste Zénitiste, publication internationale avec des textes en allemand, en français et en serbo-croate de Ljubomir Micic, Bosko Tokin et Ivan Goll : Manifeste International. Editeur : Ljubomir Micic - Zagreb, Verlag Zenit 1921

Lumière -2ème année - n° 11- 30 Juin 1921 - Anvers :

Ivan Goll : Manifeste Zénitiste

Chaque matin à cinq heures, partout, sur tous les cinq continents, le même Journal élève sa tête gris de nuit et crie les mensonges noircis du monde :

CONFERENCE DE LA PAIX - UN MEURTRE DANS UNE CREMERIE - SUICIDE DANS LE COEUR D'UNE ADULTERE - ACHETER LES LAMES GILLETTE - BERGSON A CHICAGO - VOTEZ POUR NERON !

ALLOOO !!

O chers Européens aux fronts bas, femmes aux corsets trop étroits, enfants qui jouez au cheval de Troie : ennemis, ennemis entre vous, frères ennemis, pères ennemis : vous tous, qu'on appelle les élus de la création, qui portez des couronnes de papier sur une tête coiffée à l'américaine : O socialistes, o royalistes, prolétaires en guenille dans les mines, banquiers souriants de Londres.

                            Oh !

Non, ce n'est pas vrai, nous ne vous aimons pas ! Non, mes frères aux crânes de poire, professeurs abêtis, fonctionnaires alcoolisées, médecins de la peau et de l'âme : non !

Nous vous haïssons haïssons haïssons !

Mais nous voulons arracher les masques de ce carnaval capitaliste de vos visages, nous allons vous dépouiller de vos habits cyniques et de vos feuilles de lierre, nous allons inonder de blasphèmes votre cerveau séché comme une vieille éponge et votre coeur endurci comme un petit pain d'avant-hier.

                   ALORS

vous tous, animaux-nés, criminels-nés, militaristes-nés ! O nations grandies par les chants de guerre d'Homère à Marinetti, o civilisations statuées par les Bibles, les Grammaires et les Codes Pénaux : peuples ! par dessus vos casernes et vos palais de justice, qui portent la devise humoristique : LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE en lettres d'or ; par dessus vos murailles chinoises et vos morales turques

Nous vous montrerons le

                            ZENITH

nous ferons éclater le

                            SOLEIL

des cataractes de vérité, des millions de volt de lumière céleste .

Nous vous offrons

LA MACHINE A PENSER

DE TOUTE PREMIERE QUALITE DIPLOMEE

LE SOLEIL LIQUIDE

dans des boîtes de lait condensé :

LA VERITE.

Non, non, Non : nous ne vous venons pas vous embrasser : mes frères : o cyniques, imbéciles, politiciens, académiciens et syphilitiques : o sentimentaux nationaux !

Il n'y a pas d'arbres généalogiques

il n'y a plus de tradition

il n'y a plus de nations

MAIS DES HOMMES

On n'est plus Français , Serbe, Nègre, Allemand ou Luxembourgeois

EUROPEENS !

Voici le Trust de la Vérité

                   ZENITH

Nous allons laver vos cerveaux et vos coeurs avec du radium, de l'ozone et de l'hydrogène, nous vous apprendrons, hommes de toutes les races, à marcher nu-tête : sans casque ni haut-de-forme, ni feutre, sans avoir peur de la Vérité, droit dans le SOLEIL !

                                      Ivan Goll

Zenit I - n° 8 - Octobre 1921. Revue internationale yougoslave :

Iwan Goll : Der Expressionnismus stirbt (l'Expressionnisme meurt) p. 8 / 9

"Le bruit en court de toute part, on en rit, on le pressent : une fois encore, un art meurt parce que notre époque le trahit. Que ce soit la faute de l'art ou de l'époque, peu importe. Si l'on voulait faire preuve d'esprit critique, on pourrait, il est vrai, démontrer que l'expressionnisme crève, empoisonné par l'appât révolutionnaire dont il voulait être la Pythie maternelle.

Et ceci éclaire cela,  à savoir que: l'expressionnisme  (1910-1920) n'était pas le nom d'une forme d'art mais d'un état d'esprit …

Qui n'y participait pas?  Tous participaient. Je participais:  "Nouvel Orphée . Pas un seul expressionniste n'était réactionnaire. Pas un seul qui ne fût antibelliciste. Pas un seul qui ne crût à la fraternité et à " l'état d'esprit "…

mais le résultat,  malheureusement,  et sans que ce soit la faute des expressionnistes,  c'est la République de 1920 . Enseigne de boutique,  Entracte, la sortie est à droite s.v.p. . L'expressionniste ouvre la bouche …et la referme aussitôt

....Celui qui jetait les bras en l'air avec tant de sérieux et d'importance,  les lève à présent pour une toute autre raison:  le browning claque. Mais oui,  mon bon frère expressionniste:  prendre la vie trop au sérieux c'est aujourd'hui le danger. La lutte est devenue une farce. L'esprit, en cette époque des chevaliers d'industrie, est "L'intellectuel" qui élève son "état d'esprit" jusqu'au bolchevisme; il est obligé de se faire petit devant les masses, tout petit, et même peut-être, de poser sur son front juif un masque de bêtise, pour que les pierres lancées ne lui brisent pas les dents. Amère,  amère devient la bouche de l'extatique.

L'homme "bon", avec un salut désespéré rentre dans la coulisse.....

L'appel au frère, ô expressionniste, quelle sentimentalité!

...ta conception du monde n'a triomphé nulle part. Tu n'as pas sauvé une seule vie sur soixante millions,  "l'homme est bon" une phrase "mais dans mille ans peut-être".

…En France où je vis,  on n'est pas devenu sentimental pendant la dernière guerre (excepté trois êtres faibles qui comptent à peine). De nouveaux pays,  derrière l'Oural,  derrière les Balkans,  derrière tous les Océans,  crient leur volonté de vivre et d'être forts. Des pays jeunes,  des hommes jeunes. Le premier mot qu'ils nous adressent est un choc électrique."

(extraits d'une traduction de L'Expressionnisme meurt)

Yvan ( Paris) à Mr Kerr du 31 octobre 1921 : 

                                                        PARIS XVI°, 31 Octobre 1921

à Mr KERR

Monsieur,

         Vous aimez par dessus tout les professions de foi.

Je vous ai déjà téléphoné que je suis alsacien-lorrain, juif, âgé de 30 ans, - puis je vous ai envoyé mes trois dernières oeuvres :

                   MATHUSALEM

                  LA CHAPLINIADE

                   LES IMMORTELS

Et je crois maintenant, après avoir mesuré avec effroi le niveau plus que bas des arts berlinois, pouvoir donner, avec ces pièces, un élan vers un nouvel art théâtral . J'ai travaillé longuement et patiemment dans la solitude . Paris , et sept années d'éloignement avaient fait croître en moi une grande illusion.

                   Et lorsque j'arrive : des platitudes, rien que des platitudes ; dans les meilleurs cas, un romantisme confortable, à la Hölderlin, dans la poésie ; et dans le théâtre, - abstraction faite de reprises, les pires ordures de Palais : Kiki, Le Roi, Mlle Josette, Le Poulailler - est sans importance .

                   Ah oui ? Le manque d'exigence est à l'ordre du jour ? Le bourgeois se venge d'avoir mal avalé l'expressionnisme .

                   Bon . Mais vous, Mr KERR? Monsieur KERR ( comme je vous envie pour votre rythme fabuleux ) , le critique le plus digne d'admiration de l'Europe, à mes yeux, l'unique, - où est resté votre bistouri ? Où est resté le chirurgien de ce cancer ?

                   N'en avez-vous pas le droit, dans le BERLINER TAGE BLATT ?

Eh bien, ressortez ce " PAN " où vous préconisiez, il y a dix ans, la poésie lyrique avancée .

                   Je ne connais pas aujourd'hui un seul périodique auquel je pourrais confier mes vers, sans parler de mon théâtre .

                   Si vous avez quelque pouvoir : vous devez faire représenter MATHUSALEM . Voulez-vous passer encore un misérable hiver de fonte des neiges ? Non ! Faites représenter MATHUSALEM quelque part. Pas un succès pécuniaire . Pas une affaire . Les gens se battront . Ça ne fait rien .

                   Vous Fous, avec vos calamités économiques ! Cela ne me regarde pas .

De l' A - art ! ! ! Malgré tout .

                   Non, cher Monsieur KERR, ce n'est pas à vous que je fais des reproches . Vous êtes, parmi les Allemands, le meilleur . Mais , je suis en colère , en colère .

                   Avez-vous lu ma " CHAPLINIADE" ? On va la représenter ici, à Paris . Traduite dans une revue, elle a eu un succès fou .

                   Georges Kaiser veut m'aider . Karl - HEINZ MARTIN, HERTUNG le veulent . Mais qui le peut ? Si vous m'écriviez quelque chose là-dessus ?

                                               Avec toute ma ferveur

                                                                  votre Yvan Goll

                                                                                              S. D. d. V.

La Revue Rhénane - Rheinische Blätter 2 n° 1-1er Janvier 1922 : Iwan Goll : Einfachheit. An meine Zeitgenossen p.9/10, Simplicité, à mes contemporains

«...le début de la révolution spirituelle date de 1910, et le 9 novembre n'a été que le sismographe des âmes...... .Ainsi cette jeunesse n'est pas passée par une évolution. Tout un chacun trouvait, dés son premier livre le ton juste : Trova ! Et dans le deuxième, le quatrième volume, cela s'appela : Expressionnisme. On ne peut plus séparer celui-ci de la Révolution. Et il reçut, en même temps que la Social-démocratie, à un moment déterminé, l'approbation et la bénédiction bourgeoises. Du coup, il est probablement mort, car, que signifie la révolte sans une réaction, une attaque, sans un ennemi ? Vous, les expressionnistes acceptés par tous les théâtres municipaux et par tous les éditeurs, magnifiquement loués dans la presse et bien vendus : votre succès, c'est votre défaite. Votre arme rouge, soudain, ne frappe plus que de l'air bleu. Le commerce marchera pendant quelques années encore (il ne fait que commencer), mais la Poésie n'en profitera plus, et c'est pourtant ce qui importerait ! …

Du quotidien le plus ténébreux, du plus douloureux combat contre toute la saleté terrestre, est montée, purifiée, la grande connaissance de l'amour humain tout-puissant … Que ces Hommes véritables se rassemblent maintenant, qu'ils agissent, qu'ils soient.

"Etre", c'est le plus important …

…Si le véritable expressionnisme a été la Révolution de l'époque, et si l'on peut mettre à égalité les résultats de l'un et de l'autre, alors nous nous trouvons en face d'un terrible fiasco. Car on n'a rien atteint. Le bourgeois, l'éternel bourgeois, vit naturellement, plus gras que jamais …Mais l'essentiel est-il arrivé ? L 'Homme est-il devenu plus libre d'un côté, meilleur de l'autre? Au contraire …

Assez de politique. Nous avons tous "embrassé les millions". Pendant dix ans nous n'avons plus parlé des forêts mais de l'humanité …

Après ce vacarme de grosses-caisses, de trompettes et de gongs, après cette tempête cosmique et cette volonté surhumaine de l'expressionnisme, nous devons faire le silence total. Le silence pour pouvoir écouter le battement de notre cœur, savoir s'il est encore là et s'il n'a pas éclaté à force d'un incommensurable amour pour l'humanité. Faire le silence. Devenir solitaires. Simples, simples …

Chaque être humain est lui même fautif de son destin. C'est dans le seul individu que se cachent toutes les valeurs . Dans chaque existence. Et chacun doit fleurir sur sa propre racine …L 'Homme est une partie du monde, comme la fleur et l'étoile. Tout est un, et l’un est aussi précieux que le Tout.

C'est ainsi que chacun doit maintenant se réconcilier avec lui-même. Devenons silencieux, solitaires, simples. A présent commence, pour nous qui étions inachevés, l'évolution. Recommencer du début. Jusqu'ici, nous n'étions, tous ensemble, qu'une génération: à présent, nous devons devenir des personnalités. »

Il n'y a plus de drame . Destin ? Conflits ? Aujourd'hui, cela n'existe pas. Tous les efforts des hommes se tendent vers la pomme de terre ou la villa. Le commis-voyageur est parfaitement émancipé. Celui qui est cultivé, naturellement. Dieu n'est plus un sujet de conversation. Pour quoi donc doit-on se battre ?

Patrie : est supprimée. Père, épouse, fiancée, famille : pas un conflit qui ne nous fasse hausser les épaules. Aimez-vous, enfants, mais ne devenez surtout pas sentimentaux.

Le "fils" n'est qu'une histoire de (pénis), comme tout l'expressionnisme, ou ce qui se nomme ainsi.

Qui serait ému par un enfant illégitime ? Ou par un avortement ? Il y a tellement de policliniques …  Quel acte passionnel ? La jalousie, ridicule. La haine ? Impossible, depuis que " l'homme est bon ". Ah ! Le drame révolutionnaire ? cela n'existe pas. La seule révolution qui puisse compter, de nos jours, est économique, ce n'est pas celle du courage et du cœur. Le petit mot "rouge" est même déjà devenu de mauvais goût. Des ouvriers dans une rue devant des mitrailleuses ? non-sens complet. Lénine était un joueur de poker diplomatique. En quoi peut-il intéresser le dramaturge qui a besoin d'un héros. Toller est grand en prison, mais ennuyeux sur la scène, comme un journal.

Il ne peut pas y avoir de drame aujourd'hui !

Pour cela, les hommes sont tombés bien trop bas, devenus trop immoraux,  trop veules, trop irresponsables, trop vite prêts au compromis. Et le compromis est le cyanure de potasse du drame. L'époque est trop mercantile.

Il ne sert même à rien de maudire et de s'irriter!

Que reste-t-il ? A ridiculiser l'époque. L'ironie, salée, dure, méchante.

La cravache. L'implacabilité. Le scalpel jusqu'aux os. Les culottes arrachées. La honte exposée et raillée ouvertement. La vengeance saine des enfants qui jettent des pierres. A bas le bourgeois. Mettez son parapluie en pièces ! Cela, par Dieu, n'est pas dramatique. Mais on en rit soi-même à mort, et la mort est la dernière chatouille qui puisse encore venir un peu à bout de notre ennui.

S.D.d.V.

Zenit II - n°14 - mai 1922 - Traduction en langue serbe de : Surréalisme et alogisme du nouveau drame d'Ivan Goll.  p.26/27

A la suite de cet article, on lit : «La pièce "Mathusalem" sera jouée le mois prochain (juin 1922) pour la première fois à Koenigsberg. Le rôle féminin principal sera joué par Madame Claire Goll dans une mise en scène de Georg Grosz.»

Iwan Goll : Methuselem oder Der ewige Bürger (Mathusalem ou l'Eternel Bourgeois) Ein satirisches Drama. Mit drei Figurinen von George Grosz. 76 S.; 3 S. Okt. Erste Ausgabe Der dramatische Wille, Bd. 8, 1922

Postdam, Gustav Kiepenheuer - Verlag 1922.

Avec un texte d'introduction de Georges Kaiser

Préface : (écrite en 1920 )

         Aristophane, Plaute, Molière avaient de la chance : ils obtenaient l'effet le plus fort par le moyen le plus simple du monde : les coups de bâton. Nous ne profitons plus de cette naïveté. Le clown au cirque et Charlot au cinéma distribuent encore des claques, mais c'est à ces moments-là que le public rit le moins. Manque de naïveté primitive ? Ou bien cela tient-il à notre éthique raffinée ? Pour elle c'est certain, mais que dire de celle du peuple ? Le châtiment corporel est à présent d»fendu même dans les casernes - il n'en était pas ainsi du temps d'Aristophane et de Molière. Par ailleurs l'homme moderne porte bien plus rarement une canne qu'un revolver, et une détonation produit un effet moins comique qu'une gifle.

L'auteur satirique moderne se voit donc obligé de chercher de nouveaux moyens stimulants. Il les a trouvés dans le surréalisme et l'alogique.

         Le surréalisme est la plus forte négation du réalisme. Il fait apparaître la réalité sous le masque de l'apparence, favorisant ainsi la vérité même de l'être. Des "masques" : grossiers, grotesques, comme les sentiments dont ils sont l'expression. Non plus des "héros", mais des hommes, non plus des caractères , mais des instincts mis à nu. Tout ce qu'il y a de plus nu. Pour connaître un insecte il faut le disséquer. Le dramaturge est un savant, un politicien, un faiseur de lois alors que le surréaliste place à sa guise des éléments empruntés à un domaine lointain de la vérité, qu'il a perçue alors qu'il collait l'oreille aux murailles étanches du monde.

         L'alogique, c'est aujourd'hui l'humour le plus fin, donc l'arme la meilleure contre les phrases qui gouvernent toute la vie . L'homme, quand il parle dans la vie courante, agite beaucoup plus sa langue que son esprit. A quoi bon tant de bavardages et pourquoi le prendre au sérieux ! De plus, l'homme de tous les jours est si susceptible, qu'il se sent offusqué par n'importe quelle parole qui lui semble malodorante et il réclame comme punition la peine de mort. La dramaturgie alogique a pour but de tourner en ridicule nos lois de tous les jours, et de démasquer le mensonge profond de la logique mathématique ou même de la dialectique. En même temps , l'alogique servira à montrer les mille chatoiements d'un cerveau humain qui pense une chose et en dit une autre et qui saute d'une idée à une autre sans la moindre apparence de lien logique.

        Mais pour n'être ni un pleurnicheur, ni un pacifiste, ni un membre de l'armée du salut, le poète devra représenter aussi quelques cabrioles, afin que vous redeveniez des enfants. Ce qu'il veut, c'est vous donner des marionnettes, puis vous apprendre à en jouer, et finalement jeter à tous les vents les copeaux des poupées cassées.

         L'action du drame ? Les événements sont si forts en eux-mêmes, qu'ils agissent d'eux-mêmes. Un homme est écrasé dans la rue : c'est un événement qui fait irruption, dur et irréparable, dans l'existence du monde. Pourquoi ne considère-t-on comme tragique que la mort d'un homme ? Il peut arriver qu'un entretien de cinq phrases avec une inconnue soit plus tragique pour toute l'éternité. Le drame ne doit avoir ni commencement ni fin, comme tout ici-bas. Pourtant il s'arrête à n'importe quel moment : pourquoi ? La vie continue, tout le monde le sait. Le drame s'arrête seulement parce que vous êtes fatigués, vieillis en une heure, et parce que la vérité, qui pour le cœur humain est le plus terrible des poisons, ne peut être avalée qu'à très petites doses .

I. G. 1920

Zenit II - n°14 - mai 1922 - Traduction en langue serbe de : Surréalisme et alogisme du nouveau drame d'Ivan Goll.  p.26/27

A la suite de cet article, on lit : «La pièce "Mathusalem" sera jouée le mois prochain (juin 1922) pour la première fois à Koenigsberg. Le rôle féminin principal sera joué par Madame Claire Goll dans une mise en scène de Georg Grosz.»

La Vie des Lettres et des Arts n° XV (sans date ) 108 pages

L'ETAT PRESENT DES LETTRES ET DES ARTS

Peinture : André Lothe, Léonce Rosenberg, Albert Gleizes, A. P. Gallien

Sculpture : Waldemar Georges

Poésie : Fernand Divoire, Pierre Bourgeois, Nicolas Beauduin

Théâtre : Drieu La Rochelle, Fernand Léger, William Speth, André Harlaire :

Du Théâtre joué au théâtre parlé:  "Et dans la farce,  Cromlynck,  Le Cocu Magnifique,  Jean Cocteau:  Les Mariés de la Tour Eiffel,  Henri Strenz:  Le Théâtre de Hans Pipp,  P. Albert-Birot:  L'Homme coupé en morceaux,  Ivan Goll:  La Chaplinade,  Mathusalem,  Assurance contre le Suicide,  Adolphe Orna,  etc... " (p.63 )

"La Chaplinade d'Ivan Goll pour être représentée demanderait à coup sûr l'étroite collaboration du cinéma ... les oeuvres d'Ivan Goll suivant l'humeur du lecteur pourraient être baptisées poésie aussi bien que théâtre . p.69

Ivan Goll : Les théâtres d'avant-garde p.71/72/73

Musique : Henri Sauguet

Roman : Philippe Soupault : L'état du roman

Critique : Gabriel Brunet : Le malaise de la Critique

Philosophie : Jean Charles

Ivan Goll : Le Nouvel Orphée (La Chaplinade - Mathusalem - Paris brûle - Le Nouvel Orphée - Astral - Edition du Matin) illustrations de R. Delaunay, G. Grosz, F. Léger.

Aux Editions de La Sirène. 1923 Paris.

Georg Kaiser : Feu à l'Opéra, traduction d'Ivan Goll, jouée au Théâtre de l'Oeuvre en février 1924

" Der Brand im Operhaus " fut créé en 1919 au Kammerspiele de Hambourg et au Théâtre Municipal de Nuremberg ; la version française d’Ivan Goll est sans doute disparue car le 16 mai 1953 la pièce fut redonnée au Théâtre Babylone dans une traduction attribuée à Claire Goll et dans une adaptation théâtrale de Boris Vian.

L'Intransigeant samedi 16 février 1924 :

p.2 Lucien Descaves : Spectacles - Le Théâtre - Maison de l'Oeuvre - Le feu à l'Opéra, pièce en trois actes de Georg Kaiser, traduite par Ivan Goll.

"A en juger d’après l’échantillon que la Maison de l’Oeuvre vient de nous soumettre, l’art dramatique allemand n’est guère en progrès. En écoutant la pièce de Georg Kaiser, je n’ai eu aucune peine à croire que l’expressionnisme n’avait pas encore produit de chef-d’oeuvre. Le Feu à l’Opéra serait à sa place dans un Grand-Guignol philosophique, s’il y en avait un .

On ramène chez un grand seigneur ancien régime les restes carbonisés de sa femme qui était la favorite du prince et que l’on a reconnue à l’anneau qu’il lui avait donné. Elle a péri dans l’incendie de l’Opéra ; mais elle va vivre, à présent qu’elle est morte, dans le souvenir de son mari et du prince ; et dès lors cette vie perpétuelle n’est-elle pas préférable à l’existence végétative que nous traînons sur cette terre? Et le grand seigneur halluciné oscille entre un spectre et la réalité, à la lueur des candélabres qu’on agite (L’acteur, je ne sais pourquoi, s’obstine à prononcer cand’labre.)

Et tout cela, qui prétend à la profondeur, est assez superficiel en définitive. Chassez le mélodrame,  il revient au galop ".(Lucien Descaves)

Almanach des Lettres françaises et étrangères Janv. Fév. Mars 1924

sous la direction de Léon Treich :- p.296 Vendredi 14 Mars 1924 : Interview de Georg Kaiser par Ivan Goll sur ses pièces et sa conception du Théâtre.

Editions Georges Grès & Cie, Paris

Je n’ai jamais écrit pour les autres, mais pour moi. Une pièce de théâtre est un problème géométrique. J’écris une pièce de théâtre uniquement pour me prouver à moi-même que je sais conclure et extraire les résultats de la vie humaine. Une fois écrite, elle ne m’intéresse plus."  Et il est très vrai, en effet, que Georg Kaiser n’assiste jamais aux répétitions de ses drames. Kaiser, d’autre part, est apparu à M. Goll affreusement mélancolique, presque neurasthénique.

-“ Je ne peux presque pas vivre avec les hommes. Ils m’ennuient foncièrement … ma ville me rend malade. Je ne viens à Berlin que pour affaire ; Je ne fréquente aucune personnalité littéraire, sinon mon éditeur avec lequel je conduis des luttes féroces, pour défendre mes intérêts.”

Les Nouvelles Littéraires 3ème année n° 78 - 12 avril 1924

Ivan Goll : Visite à Georg Kaiser, Dramaturge allemand

Georg Kaiser a la tête la plus étonnante du poète moderne : il ressemble au banquier le plus rusé et le plus cynique de son pays. Tout dans son oeuvre prouve qu'il est l'ennemi juré du sentimentalisme, qualité essentielle des littératures précédentes. Comme l'homme d'affaires, il renie avec force tout sentiment trop visible -- ce qui ne prouve pas qu'il en soit dépourvu ! L'homme d'affaires moderne, extérieurement froid et brutal, peut être le meilleur père de famille, et l'amant le plus pudique.

L'autre jour, Georg Kaiser ne fut pas peu flatté, lorsqu'un critique notoire l'appela le HU   STINNES de l'art dramatique contemporain. Cette comparaison est fort juste : elle peut s'appliquer au fond comme à la forme de son oeuvre. Les pièces de Kaiser sont innombrables et forment entre elles un trust vertical. Elles fabriquent de tout. Elles partent de cette matière première qui est le sang, pour atteindre au dernier produit de la civilisation, qui est l'humanité. Mais une humanité forte, expérimentée, sûre de son savoir et de son avenir, maîtresse de ses sentiments intérieurs autant que de ses conquêtes techniques. Le théâtre de Kaiser est le plus trépidant, le plus nerveux qui ait jamais été écrit. C'est bien celui de notre époque. Mais comment va nous apparaître ce « fabricant d'hommes » intime.... Je l'interroge. « Je suis en train de solder me répond-il. J'ai une grande envie de fermer boutique. J'ai une trentaine de pièces, qui roulent, une centaine de personnages qui crient de par le monde. Cela me suffit. Je n'ai pas crée ces personnages pour les autres mais pour moi-même. Ecrire une pièce de théâtre est un problème géométrique. J'écris une pièce de théâtre uniquement pour me prouver à moi-même que je sais penser, que je sais conclure et extraire les résultats de la vie humaine.... Une fois écrite, elle ne m'intéresse plus... ».

Cela est vrai. Georg Kaiser ne va jamais au théâtre. Il n'assiste jamais aux répétitions, ni aux premières de ses pièces. Il ne lit par les coupures de journaux. Il ne connaît pas ses acteurs. Cette semaine, où l'on prépare une première sensationnelle de sa dernière oeuvre, il va prendre le train pour Venise.

« Pour travailler ?

« Non pour dormir. En Italie, il fait sinon dormir dans le sable de la mer. Il a fait si froid, dans nos nuits du Nord. J'ai besoin de repos. »

« Le théâtre des autres ne m'intéresse pas. Je ne m'occupe pas non plus, de ce qu'on fait de mes pièces. J'ai la profonde conviction que personne n'aura jamais une plus exacte de vision de mes personnages que moi-même. Alors, à quoi bon ! Certes, j'aime le succès puisqu'il me rapporte de l'argent, c'est-à-dire, de quoi satisfaire mes passions. » Enfin, un homme franc, un beau joueur, un créateur qui aime la vie pour la vie, au lieu de se morfondre dans la littérature. Et Stinnes est sûrement ainsi.

« Mes passions ? La nature, la solitude complète, la rapidité. Je ne peux presque pas vivre avec les hommes. Je les connais avant de les aborder. Ils m'ennuient foncièrement. La foule me rend mélancolique. La ville me rend malade. Je ne viens à Berlin que pour affaires, et n'y fréquente aucune personnalité littéraire. Je ne vois que mon éditeur, à qui je livre journellement des batailles féroces....

« Vous lisez beaucoup ?

« Jamais. De temps en temps ma femme me fait la lecture. Mais au fond, on peut tout deviner. Tout dans la vie des hommes se trouve à fleur de peau. Autrefois, j'ai fait mes études, comme tout le monde . Mais à vingt ans, j'étais déjà en Amérique du Sud, commerçant au service de la Allgemeine Elektrizitaat-Gesellschaft. A vingt quatre, riche, je me suis mis à vivre. J'ai tout gaspillé. Alors, seulement après, je me suis remis au travail, j'ai commencé à écrire des pièces. Et maintenant, j'en vis, au jour le jour se.

- vous avez commencé par où Rimbaud a fini.

- qui sait si tout de même je ne finirai pas comme lui. »

                                      Ivan Goll

Dans le même numéro, un papier sévère sur George Grosz, signé Fels .

MA -X - 6/7 -1er juillet 1924 - AKTIVISTA FOLYOIRAT.

Szerkesztik : Kassak Lajos (sans pagination )

Dessin de Grosz pour Methuselem de Goll

Wien 1924

Le Journal Littéraire n°14 - 26 juillet 1924 :

Ivan Goll : Portraits : Georges Grosz p.13

« …C'est sans doute le dessinateur le plus acerbe et ironique de ce temps . Il lutte contre la banalité, la médiocrité et la brutalité de ses compatriotes . Il dévoile les instincts les plus sordides, il met à nu les chairs de ses contemporains, sans circonstances atténuantes. Il collectionne les rictus hébétés, les silhouettes équivoques que l'on rencontre dans les rues et les bars de Berlin. Il montre les officiers et les magnats, au profil émacié, ou à la figure de porc, montés sur un piédestal de cadavres, vidant une flûte de champagne ( de Reims ) à la santé du Kaiser .

Ainsi Grosz décrit le Sabbat berlinois quand le dollar valait un billion de marks. La "Danse de la Mort" de Dürer est moins lugubre que "La Danse de Vie" de cet artiste courroucé.

Grosz accuse. Il n'a plus le cœur à rire. Il effraie aussi, plus qu'il n'amuse, par ses caricatures. »

Le Journal Littéraire n°19 - 30 août 1924 : Autour du Surréalisme p.4

Une Querelle

    M. André Breton, entouré d'une garde subitement « surréaliste », et composée d'une poignée d'ex-dadaïstes IIIè catégorie,  d'une part  (Louis Aragon aurait-il vraiment télégraphié sa réponse de Guéthary ? ),  et de quelques hommelettes de « l'Oeuf Dur » d'autre part,  a été vivement surpris d'apprendre que le Surréalisme existait,  en nom,  déjà depuis plus de douze ans,  et,  en fait,  depuis plus longtemps encore.

   En réalité,  voici un petit coup d’Etat de M. André Breton compromis !  Car il rêvait  (c'est lui qu'il nous l'apprend dans sa lettre,  M. Robert Desnos m'ayant un jour,  dans une brève entrevue,  appris qu'on préparait une nouvelle revue sans prononcer d'ailleurs le mot  « surréaliste ») il rêvait de déchaîner à la rentrée,  une « Révolution Surréaliste »,  un « Mouvement Surréaliste » un « Manifeste Surréaliste ». Ah non,  assez de « mouvements ».

    Il est ridicule de vouloir faire une « Révolution surréaliste »,  pour se poser ensuite en dictateur du Surréalisme.

   Monsieur Breton, prenez-en votre parti : vous ne serez pas le Pape du Surréalisme .

Dans « littérature » vous avez escamoté le Surréalisme en tant qu'école. Vous auriez dû y manifester l'esprit surréaliste,  certes,  puisque que vous et vos amis êtes les descendants directs  (je l'ai dit dans mon article « Réhabilitation » d'Apollinaire et des autres surréalistes. Mais vous y avez substitué le Dadaïsme,  enfant naturel,  dont le père inconnu s'appelle Hugo Ball.

    Le Surréalisme existe depuis une douzaine d'année. Il existe des oeuvres surréalistes,  qui sont autrement significatives,  que celles que votre lettre nous annoncent : « les Mamelles de Tirésias » d'Apollinaire,  le « Bondieu » et plusieurs autres pièces de Pierre Albert-Birot  (qu'Apollinaire lui-même a patronnées), « Au pied du mur » de Louis Aragon écrit bien avant la « Révolution ».

    En 1919,  dans les préfaces de ma pièce « Mathusalem »,  j'écrivais :

« Le poète surréaliste évoquera le royaume lointain de la vérité,  en collant son oreille au mur de la terre. Soyons alogiques :  c'est la meilleure arme contre les phrases,  qui étouffent la vie. Les hommes parlent,  la plupart du temps,  pour remuer leur langue,  non leur esprit . A quoi bon tant parler,  tout prendre au sérieux ?  L'alogisme dramatique rendra ridicules les formules de tous les jours,  toute la logique mathématique et la dialectique dont se compose la vie,  etc.… etc.…) ».

   Je dédie ces lignes à M. André Breton pour la documentation de son prochain « Manifeste » . Il me dira si cela est de la « vague littérature ». Elles ne s'appliquent qu'au théâtre. Quant à la poésie,  j'ai toute une théorie à sa disposition.

   Quoi qu'il en soit,  le Surréalisme appartient à tout le monde et ne sera pas monopolisé. En attendant la « Révolution Surréaliste »,  j'ai bien envie de fonder plus simplement,  une «Evolution Surréaliste».                   Ivan Goll

MA - X - 8/9 -15 septembre 1924 - AKTIVISTA FOLYOIRAT

Numéro spécial : Musique et Théâtre (sans pagination )

Szerkesztik : Kassak Lajos

Deux reproductions de marionnettes de G. Teitscher pour Methuselem de Goll

Un décor pour le Poème cinématographique "La Chaplinade" de Goll par G. Caden

Wien 1924

Iwan Goll : Methuselem oder der ewige Bürger (Mathusalem ou l'éternel Bourgeois) Création au Dramatische Theater de Berlin le 13 Octobre 1924, mise en scène de Friedrich Neubauer, décors de George Grosz.

Lettre de Goll du mardi matin (14 octobre) à Claire

Mon ange lointain,

Ainsi ce fut vraiment un succès hier soir. ( Générale de sa pièce "Mathusalem" ) Six rappels. Beaucoup de rires, et sans cesse des applaudissements au cours de la pièce.

Le metteur en scène Neubauer est un poète. Cet Autrichien des Alpes plein de fantaisie, fit montre de tant de passion et d'enthousiasme qu'il obtint de l'éditeur Kiepenheuer que la présentation de la pièce à Vienne soit supprimée pour qu'il obtienne la Générale. Un type brutal, sanguin et je ne peux pas lui en vouloir . Il a merveilleusement monté Mathusalem. Le Rêve - Le triple personnage - Le Duel - magnifique, et sans interruption des morceaux de jazz pendant les entractes et dans le spectacle.

…Toute la soirée tu fus mon ange lointain et souriant et je ne pensais qu'à toi, songeant combien tu es belle dans ta "robe de corbeille". Mais tu as raison : seule la séparation prouve l'immense amour que nous avons l'un pour l'autre. Tu es un fragment de moi-même, non la moitié mais les trois-quarts, et sans toi , je flotte, inexistant, à travers la ville, le long des êtres humains.

…J'aimerai toi seule; Toujours. Tout le reste, c'est la vie quotidienne.

…depuis longtemps, je n'ai été si triste. Au fond, rien de ce qu'on fait n'a le moindre but .

Le parc lui aussi est ennuyeux . Et la nature, on ne peut pas la supporter.

         Si tu étais là !

                   avec ton Wani

                            Ne tu pourrais-tu encore venir ?

Georges Kaiser n'est pas encore arrivé à Berlin, fidèle à son principe, qui est de ne pas aller au Théâtre. Les Angermayer sont réellement très aimables. Dieterlé est hostile, Mathusalem l'irrite. Je ne sis pas du tout , à vrai dire, à quel concours de circonstances je dois cette Générale, si vite décidée, presque soudaine. Concurrence avec Vienne ? Kiepenheuer s'intéresse à tes oeuvres : je les lui apporterai jeudi. Ecris-moi bientôt tous les détails de toutes tes minutes.

S'il te plait, quand Clara (Malraux) habitera avec toi, enlève de la cheminée le casier qui contient les lettres.

J'apprends à l'instant que Hasenclever est à Paris, envoyé par le 8 - Uhr - Abendblatt. C'est une grossièreté. Je ferai du raffut, là-bas. Ne l'invite surtout pas avant que je sois revenu .

Lettre de Goll du mercredi matin ( 15 octobre 1924 ) à Claire

Que pourrais-je dire ou faire de cet automne plus beau que tous les autres ? qui sème sur les dames les feuilles d'or et les mille journaux où il n'est question que de Goll et de Mathusalem .

Je t'ai envoyé les plus importants : Kerr est étrangement fameux : 8 Uhr Abendblatt fait de moi un Werfel … suivent aujourd'hui le Vorwärts avec un Hymne de louanges mais il y a aussi les insanités les plus merveilleuses de la presse réactionnaire, dont tu riras beaucoup plus même que de Mathusalem. Malheureusement Ihering n'a rien écrit et Faktor est sévère. En tout et pour tout , je sens que cette pièce vient tout de même quatre ans trop tard : la plupart de ses

pointes sont ici émoussées. Berlin ne s'étonne plus de rien, cette ville a été lessivée par toutes les eaux d'égout.

Réellement, la représentation est remarquable - et que tu ne la voies pas , cela m'attriste beaucoup . Je suis malade de tristesse. Je n'ai pas une minute de joie. Je n'ai pensé qu'à toi sans cesse . " A quoi cela sert-il, puisqu'elle, avec ses grands yeux bienheureux, n'est pas là ?" J'aimerais mieux repartir tout de suite. J'erre dans Berlin comme un perdu. N'ai de plaisir à rien et pas envie de faire des affaires . Je ne mange pas . Je maudis les parcs dorés qui sont en face de ma fenêtre, où je ne peux pas te situer.

20 mars 1926 création Assurance contre le Suicide écrit en 1918 au Théâtre Art et Action  (Autant-Lara)

Teatro - IV -n° 6-7, Juin - Juillet 1926 : p.2-4 : Ivan Goll, par Cesare Giardini (avec portrait de Goll par Delaunay) et p.16 à 24 : La Chaplinade, ovvero Charlot Poeta, Poemo cinematografica di Ivan Goll, nella traduzione di Cesare Giardini. Avec dessins de G. Grosz et F. Léger. Milan 1926

Royal Palace, Musik von Kurt Weill Opus 17. Oper in einem Akt - (Opéra en 1 acte dédié à George Kaiser) Text von Iwan Goll

Livret sans musique, in - 8 de 16 pages

Partition pour piano avec texte d'Arthur Willner, 83 pages .

Universal-Edition A.G.Nr.8691, Wien - New-York 1926

Comoedia - Jeudi 11 novembre 1926

Marcel Berger : A propos d'une bagarre

Bagarre à la Comédie des Champs Elysées

A propos une bagarre.

Combien y a-t-il de surréalismes ?

Une danseuse allemande dansait l'autre jour a Paris. Et il y a eu bataille autour d'elle. Nous ne prétendons  pas à prendre parti dans cette bagarre dans nous ignorons les causes et les circonstances. Mais l'un des assistants, M. Marcel Berger nous adresse là-dessus une note qui cherche à fixer de façon intéressante le sens des deux « surréalismes ». Car ils sont bien deux.

         Voici la note de M. Marcel Berger :

J'étais venu Samedi dernier à la comédie des Champs-Elysées. En simple curieux, alléché par ce qu'on m'avait dit de cette danseuse berlinoise, Valeska Gert, « surréaliste » portait le programme, « danseuse de la laideur », et qu'une réputation européenne, on ne l'ignore pas, précédait.

« Surréalisme » ? Avourai-je que ce mot demeurait un peu vague à mes yeux.

Je savais tout au plus que deux groupes, sinon trois, se disputent cette étiquette, ce qui n'est pas pour déplaire, car querelles de mots sont souvent prétexte à discussions d'idées. « Surréalisme » ! Me fiant à mes modestes notions d'étymologie, je concevais à priori cette formule comme celle de jeunes hommes, qui se font fort de dépasser en acuité, en profondeur, les visions de la vie quotidienne : plus que la réalité.

         La séance allait être pour moi pleine d'un singulier enseignement. Car Valeska Gert n'avait pas fini son premier numéro, qu'une petite bande se révélait au milieu de l'orchestre. J'y reconnus les jeunes et charmants camarades un peu fous, à moins qu'ils ne soient sages pleins de foi, croyais-je, et d'espérances à défaut de charité, et, ma foi, au lieu d'applaudir, comme je jure que je m'y attendais ferme, cette déléguée de l'avant-garde d'une autre nation qui ne passe pas pour mettre spécialement rétrograde en matière d'art, tout au moins d'une nation avec laquelle je crois que leur rêve audacieux est de supprimer toutes frontières, voilà qu'ils vociféraient, déchaînés, enfiévrés, vengeurs :

- A la porte ! Conspuez ! Au b... ! Ivan Goll, à l'instant, se dressait, protestant à son tour - contre eux - ainsi qu'on devait l'attendre de l'auteur de Mathusalem. Echange d'invectives , pugilat, digne des héros d'Homère. Breton ne sentira que l'oeil poché ; la police dut intervenir, a évacuer les perturbateurs, et, pour faire largement les choses, les

mainteneurs de l'ordre également.

J'avoue que je me suis pris la tête et que j'ai eu du mal à comprendre. Manifestation chauvine ? Jamais. Cette équipe turbulente ne vient-elle pas de reprendre en main Clarté ? Démonstration très « gendelettres » de jeunes gens jaloux du mot « surréalisme » comme ils le seraient d'une maîtresse ? On me dit que le conflit serait plus profond, vrai conflit de doctrine, intéressant à cause de cela. On me dit qu'il convient en effet de faire un scrupuleux départ entre les deux « surréalismes » l'un qui s'appuie sur la réalité pour s'élever au-dessus d'elle, récuse, bien sûr, la transposition servile de la vie, mais se flatte de demeurer une formule intellectuelle et poétique, celle d'Ivan Goll justement avec sa fantaisie qui cache l'ironie la plus subtile et l'art plus équilibré, celle d'une artiste aussi qui donne, sous couleur de danse, une leçon cruelle et précise à l'égoïsme, au bourgeoisisme, au panmuflisme contemporains. Et l'autre qui n'est qu'une resucée de ce dadaïsme, défi monstrueux à toutes les règles, doctrine purement anarchiste, nihiliste, négatrice, avec un sourire d'ivrogne, de tout ce qui serait lien de raison, d'harmonie entre les phénomènes. Doctrine de neurasthéniques freudiens, de désespérés peut-être, doctrine qui fait des dégâts pas, doctrine contre laquelle il faut peut-être que l'on ne se contente pas de hausser les épaules, mais qu'on serre les rangs. Marcel Berger

Le Journal - 1 décembre 1926

Le fils de M. Painlevé devient "le fils de Mathusalem"- assez long article de Géo London, accompagné d'une photo de Jean Painlevé interrogé sur la pièce "d'une conception hardie ", de son personnage "un jeune homme hanté par l'agiotage, le change, les cours de la Bourse ; de son visage dissimulé pendant l'action derrière un masque représentant une pièce d'un dollar, de son costume de businessman ; une manche a la forme d'un stylographe, l'autre la forme d'un carnet de comptes. La veste s'orne d'additions et de multiplications ; le col est un cadre de T.S.F. et la cravate un haut-parleur "....

D'Artagnan - 9 Déc. 1926

Après le film Painlevé du fils Painlevé voici la farce Painlevé (article non signé) "… Ce cabaret a ceci de curieux qu’il est dirigé par un nommé Andrieux dont l’épouse ne veut engager que des artistes juifs. Passons …La pièce à interpréter est de M. Yvan Gall ; la musique de M. Maxime Jacob. La première répétition se passa sans encombre. La deuxième se termina en catastrophe. "l'Oeil de Paris" appartient à Mme Andrieux, née Djoudha …M. Painlevé fils fit, sur elle, grosse et favorable impression. Mais le jeune homme ne voulut rien savoir. Mme Djoudha ne put supporter cet affront personnel. Au moment où la deuxième répétition battait son plein, elle fit jeter tout le monde à la porte.- ça vous apprendra à jouer les  "Joseph", dit un artiste au fils du ministre.

         ??     - 31 Déc. 26 rubrique " Ne coupez pas " de Paul Achard :

Allô, Ivan Goll ? - C'est à partir du 25 que la Compagnie du Loup blanc présentera au Théâtre Michel, tous les jours à 17 heures, Mathusalem.- Une farce?

- Non un spectacle, qui comprendra une importante partie cinématographique, un spectacle satirique sur la bourgeoisie et la révolution....

D'Artagnan - 13 Janv. 1927

M. Jean Painlevé, fils de M. Paul Painlevé répète avec ardeur tous les après-midi au Théâtre de la Madeleine, une pièce étrange, écrite ? ) par un auteur russe et qui doit être jouée au profit des laboratoires. Les laboratoires sont l’excuse des débordements artistiques de M. Jean Painlevé. Dans cette pièce étrange, les acteurs doivent être costumés qui en cafetière, qui en soupière, tous en instruments de cuisine, Pot-bouille aggravé de Chanteclerc.

M. Jean Painlevé, par respect pour les convictions anciennes de son père, avait fait décider que les règles d’un socialisme autoritaire présideraient à cette oeuvre artistico-théâtrale. Pas de rivalité, pas de vedettes. On promit, on jura. Mais vendredi, au cours de la répétition, une vieille artiste de la troupe exigea la vedette. M. Barencey aussi. Puis tout le monde. M. Jean Painlevé fait l’apprentissage des difficultés sociales. Il ferait bien aussi, avant de se mêler de jouer la comédie de faire l’apprentissage du théâtre.

Journal non identifié    - 10 mars 1927

"Le roi de la chaussure convie cet après-midi la critique au Théâtre Michel. …Chaque personnage est typé avec expression, mais le masque qu’il porte sur la figure symbolise ses intentions et son rôle dans l’existence. Prenons le personnage du fils de Mathusalem, que va camper avec beaucoup de pittoresque M. Jean Painlevé. Son costume est très caractéristique, en ce sens que son bras droit est représenté par un stylographe, son bras gauche par des feuillets et son col par des accessoires de T.S.F. … Ce roi de la chaussure est entouré d’animaux. Ceux-ci s’animeront au cours du premier acte, ils fomenteront une révolution, faisant valoir leurs droits pour abattre le pouvoir de l’homme. Et lorsque le mouvement insurrectionnel sera opéré, ces bêtes seront forcées de reconnaître qu’elles font la même chose que les humains qui les ont précédées. …

Mathusalem a une action bien déterminée, après deux morts violentes, tous les personnages se retrouveront dans la plus calme et la plus douce des béatitudes. Et les personnages seront interprétés par M. Harry James, imposant et truculent Mathusalem, Mme Marguerite Ducouret … "

Première représentation de Mathusalem mercredi ? ( vérifier)10 mars 1927 de 17 à 19 h.

Les répétitions avaient eu lieu au Théâtre des Mathurins; Les trois coups étaient remplacés par une annonce d'un départ de course : Trois secondes, deux secondes, une seconde, partez. Les costumes étaient chargés de symboles: Madame Mathusalem en théière sur un siège suspendu se balançait pour verser le thé . Félix, dont la bouche était un haut-parleur et le bras un stylo, parlait d'une voix saccadée, tel un robot dans un costume métallisé …

(dans la distribution on trouve, pour le rôle de Mme Jésusfils, Jacqueline Delubac et dans les personnages des films, Jean Painlevé et Antonin Artaud ; les films ont été conservés et remis à 25 images seconde. Mise en scène de A. René Sti - Décoration de L. Medgyès)

         Programme de Mathusalem : Création au Théâtre Michel 1o mars 1927

Paris-Midi - 11 mars 1927 : " Mathusalem " ou " l'Eternel bourgeois", drame - bouffe en 10 Tableaux d'Yvan Goll, musique de M. Maxime Jacob.

Article de Fortunat Strowski, Membre de l'Institut: «Je ne voudrais pas passer pour l'extravagant courtisan de l'extravagance ; mais j'avoue que ce jeu extravagant m'a plu.

J'ai eu le plaisir de l'oreille, grâce à une musique savante...mais point affectée. J'ai eu le plaisir des yeux grâce à un décor plein de détails pittoresques et où un chemin en vrille qui occupe le centre, conduit ou plutôt dépose les personnages sur la scène! J'ai même eu un plaisir de l'esprit - si tant est que j'ai de l'esprit - grâce à une action simplifiée et voilée qui se déroule pour ainsi dire dans l'herbe.... »

La Croix du Nord : 12 mars 1927 - L'Exploitation du scandale

«Monsieur Jean Painlevé jouera sous l'égide d'un groupe d'avant-garde au Théâtre Saint-Michel une pièce politico-anarchiste qui se déroulera de nos jours malgré son titre biblique Mathusalem ....En effet dans la pièce il y a une foule bolchevique qui brandit le portrait de Lénine et vocifère l'Internationale...M. Jean Painlevé et ses amis comptent beaucoup sur le tumulte que pourrait soulever la pièce - qui fut déjà jouée en Allemagne - pour attirer les amateurs de spectacles chahutés. Elle va bien la descendance de l'Aristocratie républicaine et laïque! Mais n'est-ce pas dans l'ordre? Les pères ont semé. Voici la récolte. »

L'Excelsior - 12 mars 1927 - Charles Méré : Théâtre des Mathurins " Mathusalem "ou " l'Eternel bourgeois" drame - bouffe en 10 Tableaux d'Yvan Goll, musique de M. Maxime Jacob

«... si extravagante qu'elle soit, la fantaisie de M. Yvan Goll est imprévue, abracadabrante et pour le spectateur définitivement blasé,  ce spectacle est un régal, car il ne ressemble à rien. Vais-je vous raconter la pièce? elle est inénarrable dans toute l'acception du terme. Les décors, les costumes, la mise en scène procèdent du même esprit, directement influencé par l'art Dada. C'est drôle, systématiquement excentrique...Ça repose! MM. Harry James, Jean Painlevé, Maurice Lagrenée, Mmes Ducouret, Avril jouent imperturbablement cette étonnante pochade. »

Comoedia - 12 mars 1927  - Max Frantel : " Le Loup blanc a donné son premier spectacle "

Au Théâtre Michel

Le Loup blanc a donné son premier spectacle :

Mathusalem de M. Ivan Goll, que nous a montré pour son premier spectacle le groupe d'avant-garde Le Loup blanc, contient du meilleur et du pire. Mais c'est une œuvre qui certes n'est pas indifférente. En l'écoutant, on pense à Têtes de rechange. L'on m'a dit que Mathusalem avait été écrite avant la pièce de M. Pellerin . Je n'en sais rien. Mais Mathusalem est encore dans les cornues du laboratoire, tandis que pour Têtes de rechange la distillation est terminée .

Quelle histoire nous conte-t'on en ces tableaux symboliques, par la bouche de ces personnages au visage couvert d'un masque ? L'éternelle opposition du réel et de l'idéal . Mathusalem le bourgeois, propriétaire d'une firme de chaussures qui a des succursales dans les cinq parties du monde . Il ne songe qu'à ses affaires et à ses plaisirs : la table et une maîtresse . Il craint sans cesse l'écroulement de sa fortune et toutes les voix des révoltés du monde lui arrivent effrayantes . Mais son optimisme a le dessus et dans son rêve il voit un acteur qui répète Hamlet et qui tient le crâne de Yorick entre ses mains . Lui trouve cela fade et sans nul attrait ; il ôte le crâne d'entre les mains d'Hamlet et met à la place une chaussure . Hamlet n'a plus qu'à recommencer sa méditation : To be or not to be !

Tout cela, quoique biscornu est excellent . C'est le premier tableau, dont je n'aime pas le décor aux lignes trop nettes, aux couleurs trop heurtées . Et cependant l'on a tenté je crois de représenter par une sorte de chemin en spirale tout le flou de l'esprit créateur quand il conçoit une œuvre . Alors ? Il fallait estomper !

Le deuxième tableau est, lui, beaucoup plus harmonieux. Le texte en est très heureux et le décor . Trois personnages qui représentent les diverses aspirations d'un même être : Toi, Moi, Lui, courtisent la même femme, l'un avec sincérité, les autres avec moquerie . Le décor avec la Tour Eiffel sur un fond noir est très évocateur. Il y a là-dedans une fantaisie très savoureuse. J'aime moins le reste de la pièce qui semble se précipiter ; et cela nuit aux proportions de l'ensemble . Mathusalem voudrait marier sa fille Ida à un bourgeois cossu. Mais Ida a un amant. Félix, le fils de Mathusalem, venge l'honneur de la famille en tuant le séducteur, un étudiant russe . Mais comme nous sommes dans la fantaisie, les gens qu'on tuent ici se portent assez bien. Et l'étudiant ressuscité, qui est un peu bolcheviste, tue le Bourgeois Mathusalem. Mathusalem ressuscité aussi est au dernier rideau. Sa fille est mariée à l'étudiant : elle a un poupon ; et elle semble, elle qui était poésie, illusion, rêve, fort embourgeoisée. Le mariage tue l'amour ! Seul, l'étudiant pleure l'idéal d'égalité et de justice universelles perdu.

Une agréable musique de M. Maxime Jacob, une musique qui n'est point trop révoltée, peut-être pas assez, accompagne le texte. La mise en scène adroite et subtile est de M. A. Sti, la décoration est de Medgyès; je l'ai dit, je n'aime pas son premier décor, mais j'aime beaucoup le second. Parmi les acteurs, il y a M. Maurice Lagrenée qui dit admirablement son texte et sait par d'intelligentes nuances le faire valoir; dans le rôle d'Ida Mlle Gine Avril est le printemps et la grâce même. M. Harry James compose pittoresquement Mathusalem. M. Pierre Noyelle est Lui; il dit peu de chose, mais cela est assez pour que nous goûtions son talent qui est grand. M. Jean Painlevé , le fils de notre ministre de la Guerre, jouait le rôle de Félix, le fils de Mathusalem . Félix ! Il l'a été dans son interprétation ! (Félix , je le dis pour ceux qui ne savent que la langue du jazz-band, signifie heureux ! ). Les autres acteurs : Mmes Clary-Monthal, Lily Janlys, Jacqueline Delubac, Monique Stani ; MM. Henri Marchand et Daniel Durret . L'orchestre était dirigé par M. Robert Chabé qui fit exécuter la partie symphonique à ses musiciens excellemment, avec beaucoup de délicatesse et de finesse. Dans l'orchestre : MM. Morel, Blachet, Rible, Adriano, Rumeau et Maxime Jacob. Le cinéma participe aussi à l'action : il nous montre Le rêve de Mathusalem . Ce court film était incontestablement très amusant et mériterait une analyse détaillée. Les deux autres bouts de film, L'Enterrement et Le Mariage , pour plaisants qu'ils fussent m'ont apparu un peu comme les hors-d'œuvre. Mais n'étions-nous pas au royaume de la fantaisie surréelle ? » Max Frantel .

Ivan Goll - lettre du 12 mars à Jean Painlevé

Cher ami,    

Ainsi, après que vous ayez préparé Mathusalem, ma chère oeuvre, avec tant d’amour et de dévouement - le sort a voulu que je fusse exclu du dernier effort et du suprême élan! Oh, comme je regrette! Mais n’y a-t-il pas beaucoup de votre faute? Pourquoi ne rien m’avoir écrit, m’avoir laissé sans le moindre détail sur votre travail et tout ce qui se préparait. Un petit télégramme de votre part et j’étais dans le train de Paris! Mais votre silence ne pouvait que me faire prévoir que vos répétitions suivaient toujours le même train que depuis le 15 novembre. Seule une lettre charitable de Gine Avril m'a ouvert les yeux, arrivée le soir même de mercredi: jour de la Générale! Faut-il vous décrire mon effarement et mon chagrin?

Ici tout avait si bien marché! Triomphe à l’Opéra d 'Etat, ci-devant impérial, où mon  "Royal Palace" a ébranlé comme une bombe les poutres ancestrales. Un opéra de jazz, avec film, décors cubistes, et une musique effrénée, atonale, toute moderne : un parquet d’élite, le Tout Berlin grossi de curieux accourus de toute l’Allemagne, critiques de Prague et de Francfort. Et ils n’en sont pas encore revenus ? !

Et maintenant: Mathusalem sans moi. Toutes mes joies s’effondrent!

Ecrivez-moi, téléphonez-moi    

votre inconsolable       Ivan

Mathusalem ne fut jouée que cinq fois, avec en moyenne une cinquantaine de spectateurs à cette heure inhabituelle pour un théâtre.

Le Journal - 16 mars 1927

en 1ère page une photo légendée: M. Jean Painlevé qui a joué hier au Théâtre Michel (on le voit dans le costume dessiné par L. Medgyés pour le rôle de Félix, le fils de Mathusalem). En page 2, un article de Géo London: Les débuts au Théâtre de M. Jean Painlevé.

Carte d'Ivan Goll du 30 mars à Jean Painlevé, Ministère de la Guerre, Paris

Mon cher Jean, je lis à l’instant dans le Figaro que vous allez reprendre "Mathusalem" en soirée dans de nouveaux décors. Bravo bravo bravo! mais j’espère que vous m’enverrez une petite invitation cette fois

Bien amicalement votre Ivan Goll

Iwan Goll : Mathusalem (Traduction japonaise de Hugo Sakae) avec le portrait de Goll par Robert Delaunay et six illustrations de Georges Grosz pour les costumes de Mathusalem. 140 pages - 13 / 19 cm.

Tokyo 1928

                            Théâtre Objectif

Le surréalisme, en poésie, pose un problème qui est peut-être insoluble : transformer le monde concret, au moyen du verbe, en un royaume suprasensible . Pour réaliser un tel miracle, il faut des instruments tout à fait sensibles. Et cela sur une scène.

         Le premier drame "nouvellement objectif" , ce fut, je crois, mon "MATHUSALEM". Personne ne l'a jamais remarqué. Car, le metteur en scène lui-même, en ce temps-là, n'en a rien vu. Dans cette pièce, les personnages sont aussi objectivement posés que des statues dans une galerie. Chacun d'eux vit exclusivement sa propre vie. L'égoïsme, l'instinct naturel de la conservation, tissent autour de chacun une atmosphère personnelle si dense que tout contact avec ses semblables devient difficile. Et il en est ainsi dans la réalité : chaque personnage d'une famille est emmailloté dans une couche épaisse de sa vie propre.

Chacun monopolise toujours, - même s'il dialogue avec les autres. Aussi avais-je volontairement renoncé à tout dialogue continu. Ç'aurait dû être la tâche de la Mise en Scène, que de faire suinter au dehors l'existence interne de ces malheureux bourgeois, éternellement isolés dans leur égoïsme; il eût fallu traiter ces personnages avec une certaine rigidité, comme des types-standard. (Au lieu de cela, tout fut délayé dans un style d'opérette).

Dans l'ensemble, il existe encore peu d'oeuvres surréalistes. Mais un metteur en scène est là, qui pourra les réaliser : KARLHEINZ MARTIN. Là où la forte réalité se cache, honteuse, derrière les mots, il sait la projeter au dehors et la faire agir. Il n'est pas seulement interprète, exégète de l'œuvre : il est le collaborateur du poète.

Aujourd'hui, en Russie, les dramaturges recommencent à écrire leurs oeuvres sur commande, comme ce fut toujours l'usage dans les temps plus anciens, et après une délibération intime avec les directeurs de théâtre. C'est peut-être la bonne voie, non seulement pour la "nouvelle objectivité", mais pour un bon théâtre objectif en général.

Ivan Goll

Dans "Le Monde" du 03.08.01:

" Royal Palace, de Kurt Weill, rareté de 1925 d'avant L'Opéra de Quat'sous, mi-sérieuse, mi-thé dansant., a été donné le 2 août sous la direction de Sir Andrew Davies ....on avouera être venu ce soir surtout pour la rareté de Kurt Weill, un opéra de poche, au texte vaguement décalé et onirique, d'Yvan Goll, Royal Palace, écrit en 1925 et créé deux ans plus tard par Erich Kleiber . Les parties orchestrales ayant été perdues, Gunther Schüller les a formidablement "réinventées", en 1971 à partir de la réduction pour piano qui, elle, a survécu . La beauté de son instrumentation , avec ses mélanges de percussions et la présence d'un saxophone, concourt grandement à l'intérêt de cette redécouverte . C'est un Kurt Weill d'un raffinement extrême, qui ne pèse jamais ( comme c'est hélas le cas dans l'opéra Die Burschaft ( 1930-1932 ), par exemple. Dans Royal Palace , on admire le trait net de l'écriture mais aussi les beaux passages mercuriaux du rôle principal féminin ( excellente Janice Watson ), le choeur final, les passages de danse, disposés comme les "follies" d'une comédie musicale ou d'une revue pour Broadway, un genre dans lequel Weill n'allait s'illustrer que bien plus tard . Royal Palace peut paraître un peu court de portée, mais c'est surtout en raison d'un texte elliptique. C'est en tout cas un concentré parfait du meilleur Kurt Weill, parfaitement cajolé et puisé par Andrew Davies. R.Ma.

Combat - Vendredi 11 mars 1960 :

Recherches scéniques, René Farabet : Yvan Goll, "Mathusalem"

Goll précurseur de Ionesco …on pourrait relever de nombreux parallélismes dans les deux premières scènes de "Mathusalem" et de "la Cantatrice chauve"... Ces coïncidences sont troublantes ; elles indiquent au moins combien Ionesco est proche de cette philosophie dadaïste qui fit fureur après la première guerre.... "Mathusalem " est une pièce sans doute prise dans le courant idéologique et les techniques des années 20  (l’expressionnisme, Brecht sont aussi parfois voisins) mais qui, jouée aujourd'hui, révélerait une richesse et une modernité que n'ont pas toutes les pièces dites d'avant-garde.

Yvan Goll : Mathusalem - Les Immortels (Théâtre) 18 cm. - 157 p.

L'Arche, Paris 1963

Europe revue mensuelle nov. déc. 1968 - n°475-476 numéro spécial : Surréalisme : Philippe Soupault, Maurice Bouvier - Ajam, Jacques Gaucheron, Raymond Jean, Roger Navarri, Franz Hellens, Rolland Pierre, Georges Dupeyron, Lucienne Rochon, Charles Bachat, Arlette Albert-Birot, Paule Plouvier, Claire Goll : Goll et Breton p. 109 / 110, fac-similé de " " n° 1 - Octobre 1924 Directeur Ivan Goll, collaborateurs : Guillaume Apollinaire, Marcel Arland, P. Albert-Birot, René Crevel, Joseph Delteil, Robert Delaunay, Paul Dermée, Jean Painlevé, Pierre Reverdy avec une illustration de Robert Delaunay, p. 111 à 126, Yvan Goll : préface à Mathusalem (1920) p.127 /128 et préface à ses 2 surdrames "Les Immortels" (1920) p.128 à 130

Obliques n° 6-7, L'Expressionnisme Allemand,

numéro spécial dirigé par Lionel Richard .Vol. fort in-4 br., nb. ill. & contr. en E.O.: Yvan Goll, interview p.5-6, : Le Drame moderne p.129, Quelques mots sur Georg Kaiser p.131 et 132, p.279 et p.285 ; Adolphe Appia, Georg Kaiser, Frank Wedekind, Arnold Schoenberg, Alfred Doeblin, Carl Einstein, Erwin Piscator, Carl Sternheim, Rudolf Leonhard, Anne-Marie Lazzarini : Monter aujourd'hui Mathusalem p.253/255

R. Borderie éd., 1976

Geneviève Latour, avec la complicité d'Arlette Albert-Birot :

Les Extravagants du Théâtre de la belle époque à la drôle de guerre

Avant-propos de Jean Tibéri, Maire de Paris . 349 pages

Yvan Goll p.133 à 141, 178, 190, 211, 213

Paris bibliothèques Editions, Paris MM (2000)

Le Monde Mardi 21 mars 2000

Page 34 : Ces extravagants qui voulaient changer le théâtre

" Ivan Goll, je connaissais parce que j'avais lu les poèmes de sa femme, dans ma jeunesse, quand j'étais tuberculeuse...

.Avez retrouvé des pièces injustement oubliées ?

Oui. Mathusalem, d'Ivan Goll, est une pièce sublime. Elle commence exactement comme La Cantatrice Chauve de Ionesco. Mathusalem est un marchand de chaussures. On le voit chez lui, avec sa femme. Il lit son journal, elle s'occupe.

Et ils disent des phrases qui ne veulent rien dire. Je ne comprends pas que Jérôme Savary ne remonte pas ça. Ça attaque tout... "

Et maintenant, un dialogue entre une caissière, Véronique, et un journaliste, camembert.

Camembert : je crois que l'hiver va bientôt venir.

Véronique : les fourrures de chinchilla sont à la mode.

Camembert : Et la Rio Tinto, Ma Chère ?

Véronique : Aimez vous les framboises ?

Camembert : Je préfère Rembrandt.

Cela se trouve dans Assurance contre le suicide, d'Yvan Goll (1891-1950) qui prônait "l'alogisme dramatique" pour casser la convention du langage. Il compte parmi les écrivains injustement oubliés, selon Geneviève Latour, qui tient en haut estime sa pièce Mathusalem.

Yvan Goll nous introduit chez les Autant-Lara qui furent les premiers à le jouer. Les parents du cinéaste Claude Autant-Lara ont mené une des expériences des plus austères dans son extravagance .

                            Fin avant rédaction définitive

3 décembre 2008

Tout le théâtre de Goll

Die Freie Zeitung (Berne) 1. Jg. Nr 39 -25 août 1917 :

Claire Studer, article sur "  Iwan Goll : Ein Lassalle-Drama "

Die Aktion, VII - n° 41-42, 20 Okt.1917

Iwan Goll : Kleines Kino der Menschlichkeit (une scène). Speisewagen Paris-Milan,

Dialoge p.561 à 563

Die Aktion : VII, Nr. 51-52, 29 décembre 1917 Sonderheft Iwan Goll (spécial Iwan Goll ), p.677 à 702 : Hans Richter : Porträt des Iwan Goll, Iwan Goll : Vom Geistigen p.677-678-679, Der pflichtvergessene Geistige p. 679, Die göttliche Orgel, Dithyrambe et Gedicht in Prosa p.680, Hans Richter : Drei Federzeichnungen zu Iwan Golls "  Unterwelt " ; Iwan Goll : Die Prozession Dithyrambe p.683-684, Industrievorstadt p.684-685, Möblierte Zimmer p.686, Der Sonne-Ball et Café p.687, Der Kino-Direktor Dithyrambe p.688-689, Aus der " Alpen-Passion" (deux scènes) p.690-691-692 ; Aus der Drama " Lassalle "  p.692-693 une scène de Ferdinand Lassalle ) ; Aus dem Roman "  Die letzten Tage von Berlin " p.694-695, Kleines Kino der Menschlichkeit : Friedhof. Eine Szene p.696 à 701. Claire Studer : Porträt des Dichters Iwan Goll. Eine Federzeichnung / F.P.: Ich shneide die Zeit aus ; Kleiner Briefkasten ; Die zweite Sonder-Austellung der Aktion / Emil Maetzen : Original Holzschnitt / Jakob Goldbaum : Original Holzschnitt

Berlin-Wilmersdorf : Verlag von Franz Pfemfert.1917

Die Aktion, VIII - n° 11-12, 23 März 1918

Iwan Goll : Vorspiel zum Drama "Lassalle" p.149 à 153

Die Neue Schaubühne I (1919) H.7 -

Iwan Goll : Das Überdrama (Aufsatz) p. 265 / 267, Der Unsterbliche. Aus dem Manuskript "Die Unsterblichen", zwei Überdramen p.268/276

Erwin Piscator : Das Politische Theater : 1919

p.38, Thomas Münzer pièce d'Iwan Goll qui fut jouée à Berlin en 1920

Iwan Goll : Die Unsterblichen (Les Immortels) Zwei Possen (deux farces), zwei überdramen : Der Unsterbliche, Der Ungestorbene. Der dramatische Wille : Band V

Postdam, Gustav Kiepenheuer Verlag, 1920

Deux surdrames: "Celui qui ne meurt pas" (jamais représenté en France) et "Assurance contre le Suicide" écrit en 1918, publié dans "Le Nouvel Orphée" aux Editions de la Sirène en 1923 et représenté au Théâtre Autant-Lara en 1928.

Préface :

Un combat difficile est mené à propos du nouveau drame: le Surdrame.

   Le premier était celui des Grecs, où les dieux se mesuraient avec les hommes. Quelle formidable aventure c'était: l'honneur que le dieu faisait alors à l'homme ! Duel divin que les siècles futurs ne verront plus.

    Le drame impliquait une énorme augmentation de la réalité, une plongée profonde, obscure , dans la passion sans bornes, dans la douleur dévorante, le tout dans des couleurs surréelles.

Plus tard, le drame vint de l'homme  à cause de l'homme : démêlés avec lui-même, psychologie, problématique, raison. Il ne s'agit plus que d'une réalité, d'un domaine, et , de ce fait toutes les dimensions sont limitées. Tout tourne autour d'un homme et non plus autour de l'Homme. La vie collective a du mal à s'y exprimer : aucune scène de foule n'atteint la force du choeur antique. Et l'on s'aperçoit à quel point cette lacune est visible dans les pièces du siècle dernier qui s'essoufflent et qui n'ont aucun autre but que d'exister . C'est intéressant, ou verbiage d'avocat, ou provocateur, simple imitation de la vie , sans rien  de créateur .

  Le dramaturge moderne sent qu'il est sur le point de livrer un combat final et affronter en tant qu'homme tout ce qui,  en lui, comme autour de lui, est chose ou animal .…

On montrera l'homme et les choses aussi nus que possible, et pour obtenir un meilleur effet, toujours à travers un verre grossissant.

  On a complètement oublié que la scène n'est rien d'autre qu'un verre grossissant. .…

On a complètement oublié que le premier symbole du théâtre était le masque. Celui-ci est rigide, unique et impressionnant. Il est inaltérable, irrévocable, on ne peut lui échapper, il est le Destin.

  Tout homme porte son masque, que les anciens nommaient sa Responsabilité. .…

Il y a dans le masque une loi, qui est celle du drame lui-même. C'est que l'irréel devient un fait. On vous prouve un court instant que la chose la plus banale peut être irréelle et " divine", et que là précisément réside la plus grande vérité. La vérité n'est pas enfermée dans les bornes de la raison. C'est la vie, et non la "pensée". Et l'on vous montre ensuite que tout phénomène, le plus bouleversant comme le plus petit battement inconscient des cils, est d'une importance capitale pour tout ce qui vit ici-bas.

  La scène ne doit pas se borner à reproduire la vie réelle, et elle devient surréelle lorsqu'elle montre à tous ce qui se cache derrière les choses. Le réalisme pur fut la grande aberration de toutes les littératures.

    L'art n'est pas là pour la commodité des gros bourgeois, qui secouent la tête , disant : « Oui, oui, c'est comme ça. A présent, allons au buffet nous rafraîchir ! » L'art, dans la mesure où il veut éduquer, améliorer, être efficace d'une façon quelconque, doit supprimer l'homme de tous les jours, l'effrayer comme le masque effraie l'enfant et Euripide les Athéniens qui sortaient du théâtre en titubant. L'art doit refaire de l'homme un enfant. Le moyen le plus simple pour y arriver, c'est le « grotesque », dans la mesure où il n'incite pas à rire. La monotonie de et la bêtise des hommes sont si énormes qu'on ne peut y remédier qu'avec des énormités. Que le drame nouveau soit donc énorme.

     C'est pourquoi le nouveau drame aura recours à tous les moyens techniques qui remplacent aujourd'hui le masque , par exemple le phonographe, qui déguise la voix, la réclame lumineuse ou le haut-parleur. Les interprètes devront porter des masques démesurés, où leur caractère sera aussitôt reconnaissable d'une façon grossièrement extérieure : une oreille trop grande, des yeux blancs, une jambe de bois. A ces exagérations physiognomoniques, que nous ne considérons pas comme des exagérations, correspondront les exagérations internes de l'action : les situations pourront être montrées à l'envers et, afin de les rendre plus impressionnantes, on pourra même remplacer une expression par son contraire. L'effet sera exactement le même que lorsque l'on fixe longtemps un échiquier et que l'on commence à voir blancs les carrés noirs , noirs les carrés blancs ; les conceptions se chevauchent là où l'on touche aux frontières de la vérité.

  Nous voulons un Théâtre. Nous voulons la vérité la plus surréelle. Nous sommes en quête du surdrame.             Yvan Goll 1920 ( écrit en 1919 )

La Revue de l'époque II - n° 4 : 5 janvier 1920

Les lettres et l'art à l'étranger : Le théâtre allemand moderne, Ivan Goll p.198

"En 1915, Max Rheinardt, le directeur du "Deutshes Theater", découvrit un poète, mort très jeune depuis très longtemps: Georg Büchner. Personne ne connaissait cet auteur. S'il y avait un certain courage à faire ressusciter un mort méconnu, il en fallait encore davantage pour jouer un chef-d'oeuvre intitulé: La Mort de Danton, qui glorifiait un héros de la France et de la Révolution.

Dès ce jour, la jeunesse allemande comprit qu'on avait besoin d'elle. On voulait du nouveau. Assez de réalisme à la Hauptmann, assez de nécromantisme à la Hoffmannsthal, assez de toutes les inepties de Bernstein importées : on comprit qu'une nouvelle ère allait s'ouvrir.
    Les directeurs de théâtre s'empressèrent d'abord d'appeler Frank Wedekind, qui, à l'âge de cinquante ans, se voyait encore contraint à jouer lui-même ses pièces avec sa femme Tilla, dans des salles intimes. On connaissait "Le Réveil du Printemps ", mais l'on n'avait pas encore osé inscrire sur les affiches le nom de "Loulou", la "Fauste" moderne, fardée, hystérique, mais vraie et franche.

   Wedekind : c'est la vie aiguë, impertinente, sans détours — où le poète s'efforce de donner l'essence, la liqueur des actions. Il y a dans toutes ses pièces une volonté éducatrice, quand il dévoile sans pudeur les gestes plats et vils habituels, que nous faisons tous, mais dont nous ne concevons la triste portée qu'au miroir du théâtre … Wedekind, mort il y a un an, acquiert aujourd'hui une célébrité tardive, mais méritée. On n'a pas encore assez mesuré le rôle qu'il joue dans l'histoire du drame.

    Carl Sternheim, après lui, poursuit un but identique, sans toutefois atteindre à des réalisations aussi suggestives. Son but, c'est de ridiculiser le bourgeois. Tâche difficile après Molière. Il a bien réussi à démasquer certains traits comiques et attristants du pantin de tous les jours: mais il manque à Sternheim un grain de sel seulement pour atteindre à la perfection. Son ironie est rêche. Sa trame trop grossière. Sternheim gaulois serait peut-être une révélation. Depuis la guerre il a pris une attitude nettement révolutionnaire. Mais ses deux pièces de cette époque :  "1913 " et "Tabula rasa", aussi fortes soit-elles dans l'expression, n'approfondissent pas le sujet jusqu'à sa dernière source. Elles n'éclatent pas du feu intérieur. Elles ne font pas trépigner les foules. Et c'est cela qu'elles veulent pour croire en leur propre liberté …

    Un instant, Walter Hasenclever parut être le poète élu. Très jeune, il fit représenter "Le Fils", où deux générations sont placées l'une en face de l'autre, et où celle des Fils, bien naturellement obtient gain de cause: l'enfant banni tue son père, qui n'a pas su et ne saura jamais le comprendre. Les amis de Hasenclever ont pris cette pièce pour point de départ du théâtre moderne. Cependant, son auteur ne se tient que difficilement à la tête du mouvement. Malgré sa volonté évidente d'échafauder l'oeuvre qui brise tout, il n'a fait, dans son dernier drame, " Antigone ", qu'un faible geste vers l'avenir. On espère encore en lui ; certains désespèrent.

    Reste un pilier solide de la scène moderne: Georg Kaiser. Connu depuis très peu de temps seulement, il bombarde son public, tous les ans, avec deux ou trois pièces au moins. Mais il n'est plus jeune, il a dépassé la quarantaine, et il semble puiser dans les trésors accumulés depuis longtemps. Il fascine car il a toutes les qualités de l'écrivain d'une ère révolutionnaire (sauf le coeur! ). Son style est bref, incisif ; de courtes phrases souvent inachevées. Des exclamations stridentes. Des foules. Des confessions ardentes. L'action se rue comme un torrent vers les profondeurs de la vie. Ses personnages sont haletants, ivres d'action, éperdument avides de liberté. Et c'est ce que Berlin réclame. Il faut retenir ce nom de Kaiser, qui, pour l'Allemagne artistique moderne, remplacerait bien l'autre Guillaume, symbole néfaste de la Prusse terrassée.                    Ivan Goll

                           

Iwan Goll : Die Chapliniade, eine Kinodichtung mit vier Zeichnungen von Fernand Léger. 42 p. avec 4 pages entièrement illustrées Farbig ill. Originalbroschur .Erste Ausgabe ; Titelzeichnung von Hans Blanke . Gr. 8°, - 23 cm.

Dresden : Rudolf Kämmerer Verlag, 1920

Iwan Goll : Seele über Bord ( Ame par-dessus Bord ), pièce en allemand jouée au Théâtre d'Etat de Cassel, Novy Orfeus, traduction tchèque de Zdenek V. Kalist.

Editions Nakladatelstvi A. Srdce V, Prague 1921

Ivan Goll : Congo - Caoutchouc, écrit en 1921, (pièce française, volée avec tous nos biens par les allemands ), note manuscrite de Claire Goll  sur un exemplaire de Poètes d'Aujourd'hui n° 50 ,  Yvan Goll , Pierre Seghers Editeur - Paris 1956 (222 p. ), page 212

L'Esprit Nouveau (mensuel) n° 7 - avril 1921, Directeur Paul Dermée. Ivan Goll : Le mouvement théâtral en Allemagne : Le drame moderne p.742 à 747

Editions de L'Esprit Nouveau, Paris. 

(quelques extraits de cet article seront reproduits dans: Obliques nº6-7  (p.129) Paris, 1976: l'Expressionnisme Allemand : "La scène allemande devance le théâtre français d'au moins 15 ans à tous les points de vue.- Technique:

1) La scène tournante du Deutsches Theater et de quelques autres est déjà classique, presque "vieux jeu".... On est presque tenté de dire que ce sont ces poètes qui ont suggéré l'idée d'inventer un moyen qui remplaçât l'éternel changement de coulisses.

2) Les décors sont complètement modernisés. Les plus jeunes peintres expressionnistes, extrémistes sont appelés à fournir les cadres appropriés aux pièces révolutionnaires de leurs contemporains....De sorte que l'Expressionnisme qui correspond au Cubisme français, a déjà droit de cité partout, tandis que le fait que Picasso collabore à un ballet russe, est encore considéré comme un événement

3) L'acteur est intellectuel, très individualiste et un laborieux mineur de nouvelles valeurs également. Le grand acteur allemand est une personnalité d'esprit, et non seulement ce qu'on appelle un "ténor". Il est le plus précieux ami du poète dramatique.

La Revue Rhénane - Rheinische Blätter 2 n° 1-1er Janvier 1922 : Iwan Goll : Einfachheit. An meine Zeitgenossen p.9/10, Simplicité, à mes contemporains

«...le début de la révolution spirituelle date de 1910, et le 9 novembre n'a été que le sismographe des âmes...... .Ainsi cette jeunesse n'est pas passée par une évolution. Tout un chacun trouvait, dés son premier livre le ton juste : Trova ! Et dans le deuxième, le quatrième volume, cela s'appela : Expressionnisme. On ne peut plus séparer celui-ci de la Révolution. Et il reçut, en même temps que la Social-démocratie, à un moment déterminé, l'approbation et la bénédiction bourgeoises. Du coup, il est probablement mort, car, que signifie la révolte sans une réaction, une attaque, sans un ennemi ? Vous, les expressionnistes acceptés par tous les théâtres municipaux et par tous les éditeurs, magnifiquement loués dans la presse et bien vendus : votre succès, c'est votre défaite. Votre arme rouge, soudain, ne frappe plus que de l'air bleu. Le commerce marchera pendant quelques années encore (il ne fait que commencer), mais la Poésie n'en profitera plus, et c'est pourtant ce qui importerait ! …

Du quotidien le plus ténébreux, du plus douloureux combat contre toute la saleté terrestre, est montée, purifiée, la grande connaissance de l'amour humain tout-puissant … Que ces Hommes véritables se rassemblent maintenant, qu'ils agissent, qu'ils soient.

"Etre", c'est le plus important …

…Si le véritable expressionnisme a été la Révolution de l'époque, et si l'on peut mettre à égalité les résultats de l'un et de l'autre, alors nous nous trouvons en face d'un terrible fiasco. Car on n'a rien atteint. Le bourgeois, l'éternel bourgeois, vit naturellement, plus gras que jamais …Mais l'essentiel est-il arrivé ? L 'Homme est-il devenu plus libre d'un côté, meilleur de l'autre? Au contraire …

Assez de politique. Nous avons tous "embrassé les millions". Pendant dix ans nous n'avons plus parlé des forêts mais de l'humanité …

Après ce vacarme de grosses-caisses, de trompettes et de gongs, après cette tempête cosmique et cette volonté surhumaine de l'expressionnisme, nous devons faire le silence total. Le silence pour pouvoir écouter le battement de notre cœur, savoir s'il est encore là et s'il n'a pas éclaté à force d'un incommensurable amour pour l'humanité. Faire le silence. Devenir solitaires. Simples, simples …

Chaque être humain est lui même fautif de son destin. C'est dans le seul individu que se cachent toutes les valeurs . Dans chaque existence. Et chacun doit fleurir sur sa propre racine …L 'Homme est une partie du monde, comme la fleur et l'étoile. Tout est un, et l’un est aussi précieux que le Tout.

C'est ainsi que chacun doit maintenant se réconcilier avec lui-même. Devenons silencieux, solitaires, simples. A présent commence, pour nous qui étions inachevés, l'évolution. Recommencer du début. Jusqu'ici, nous n'étions, tous ensemble, qu'une génération: à présent, nous devons devenir des personnalités. »

Il n'y a plus de drame . Destin ? Conflits ? Aujourd'hui, cela n'existe pas. Tous les efforts des hommes se tendent vers la pomme de terre ou la villa. Le commis-voyageur est parfaitement émancipé. Celui qui est cultivé, naturellement. Dieu n'est plus un sujet de conversation. Pour quoi donc doit-on se battre ?

Patrie : est supprimée. Père, épouse, fiancée, famille : pas un conflit qui ne nous fasse hausser les épaules. Aimez-vous, enfants, mais ne devenez surtout pas sentimentaux.

Le "fils" n'est qu'une histoire de (pénis), comme tout l'expressionnisme, ou ce qui se nomme ainsi.

Qui serait ému par un enfant illégitime ? Ou par un avortement ? Il y a tellement de policliniques …  Quel acte passionnel ? La jalousie, ridicule. La haine ? Impossible, depuis que " l'homme est bon ". Ah ! Le drame révolutionnaire ? cela n'existe pas. La seule révolution qui puisse compter, de nos jours, est économique, ce n'est pas celle du courage et du cœur. Le petit mot "rouge" est même déjà devenu de mauvais goût. Des ouvriers dans une rue devant des mitrailleuses ? non-sens complet. Lénine était un joueur de poker diplomatique. En quoi peut-il intéresser le dramaturge qui a besoin d'un héros. Toller [1] est grand en prison, mais ennuyeux sur la scène, comme un journal.

Il ne peut pas y avoir de drame aujourd'hui !

Pour cela, les hommes sont tombés bien trop bas, devenus trop immoraux,  trop veules, trop irresponsables, trop vite prêts au compromis. Et le compromis est le cyanure de potasse du drame. L'époque est trop mercantile.

Il ne sert même à rien de maudire et de s'irriter!

Que reste-t-il ? A ridiculiser l'époque. L'ironie, salée, dure, méchante.

La cravache. L'implacabilité. Le scalpel jusqu'aux os. Les culottes arrachées. La honte exposée et raillée ouvertement. La vengeance saine des enfants qui jettent des pierres. A bas le bourgeois. Mettez son parapluie en pièces ! Cela, par Dieu, n'est pas dramatique. Mais on en rit soi-même à mort, et la mort est la dernière chatouille qui puisse encore venir un peu à bout de notre ennui.

S.D.d.V.

La Vie des Lettres et des Arts n° XV (sans date ) 108 pages

L'ETAT PRESENT DES LETTRES ET DES ARTS

Peinture : André Lothe, Léonce Rosenberg, Albert Gleizes, A. P. Gallien

Sculpture : Waldemar Georges

Poésie : Fernand Divoire, Pierre Bourgeois, Nicolas Beauduin

Théâtre : Drieu La Rochelle, Fernand Léger, William Speth, André Harlaire : Du Théâtre joué au théâtre parlé:  "Et dans la farce,  Cromlynck,  Le Cocu Magnifique,  Jean Cocteau:  Les Mariés de la Tour Eiffel,  Henri Strenz:  Le Théâtre de Hans Pipp,  P. Albert-Birot:  L'Homme coupé en morceaux,  Ivan Goll:  La Chaplinade,  Mathusalem,  Assurance contre le Suicide,  Adolphe Orna,  etc... "(p.63 )

"La Chaplinade d'Ivan Goll pour être représentée demanderait à coup sûr l'étroite collaboration du cinéma ... les oeuvres d'Ivan Goll suivant l'humeur du lecteur pourraient être baptisées poésie aussi bien que théâtre . p.69

Ivan Goll : Les théâtres d'avant-garde p.71/72/73

Musique : Henri Sauguet

Roman : Philippe Soupault : L'état du roman

Critique : Gabriel Brunet : Le malaise de la Critique

Philosophie : Jean Charles

L'Oeuvre janvier 1923. Revue mensuelle des Arts du Théâtre . Saison 1922-1923. Rédacteur en Chef : Lugné-Poe.

Ivan Goll : Quelques mots sur Georges Kaiser p.3-4

La Maison de l'Oeuvre, Paris

Georg Kaiser : Feu à l'Opéra, traduction d'Ivan Goll, jouée au Théâtre de l'Oeuvre en février 1924

"Der Brand im Operhaus" fut créé en 1919 au Kammerspiele de Hambourg et au Théâtre Municipal de Nuremberg ; la version française d’Ivan Goll est sans doute disparue car le 16 mai 1953 la pièce fut redonnée au Théâtre Babylone dans une traduction attribuée à Claire Goll et dans une adaptation théâtrale de Boris Vian.

En 1919,  dans les préfaces de ma pièce « Mathusalem »,  j'écrivais :

« Le poète surréaliste évoquera le royaume lointain de la vérité,  en collant son oreille au mur de la terre. Soyons alogiques :  c'est la meilleure arme contre les phrases,  qui étouffent la vie. Les hommes parlent,  la plupart du temps,  pour remuer leur langue,  non leur esprit . A quoi bon tant parler,  tout prendre au sérieux ?  L'alogisme dramatique rendra ridicules les formules de tous les jours,  toute la logique mathématique et la dialectique dont se compose la vie,  etc.… etc.…) ».

Le Journal Littéraire n°14 - 26 juillet 1924 :

Ivan Goll : Portraits : Georges Grosz p.13

« …C'est sans doute le dessinateur le plus acerbe et ironique de ce temps . Il lutte contre la banalité, la médiocrité et la brutalité de ses compatriotes . Il dévoile les instincts les plus sordides, il met à nu les chairs de ses contemporains, sans circonstances atténuantes. Il collectionne les rictus hébétés, les silhouettes équivoques que l'on rencontre dans les rues et les bars de Berlin. Il montre les officiers et les magnats, au profil émacié, ou à la figure de porc, montés sur un piédestal de cadavres, vidant une flûte de champagne ( de Reims ) à la santé du Kaiser .

Ainsi Grosz décrit le Sabbat berlinois quand le dollar valait un billion de marks. La "Danse de la Mort" de Dürer est moins lugubre que "La Danse de Vie" de cet artiste courroucé.

Grosz accuse. Il n'a plus le cœur à rire. Il effraie aussi, plus qu'il n'amuse, par ses caricatures. »

MA - X - 8/9 -15 septembre 1924 - AKTIVISTA FOLYOIRAT

Numéro spécial : Musique et Théâtre (sans pagination )

Szerkesztik : Kassak Lajos

Deux reproductions de marionnettes de G. Teitscher pour Methuselem de Goll

Un décor pour le Poème cinématographique "La Chaplinade" de Goll par G. Caden

Wien 1924

Iwan Goll : Methuselem oder der ewige Bürger (Mathusalem ou l'éternel Bourgeois) Création au Dramatische Theater de Berlin le 13 Octobre 1924, mise en scène de Friedrich Neubauer, décors de George Grosz.

Iwan Goll : Der Stall des Augias (Les écuries d'Augias) Tragédie

Berlin, Verlag Die Schmiede, 1924 ( 75 pages )

Tragédie en cinq actes. Création au Petit Théâtre de Kassel le 27.2.1926

Une traduction française de cette pièce peut être consultée à la Bibliothèque de Saint-Dié-des-Vosges

Iwan Goll : Germaine Berton, die rote Jungfrau [2] Couverture de Georg Salter, autoportrait et lettre fac-similé de Germaine Berton (20-7-22) et 5 dessins de L. Behrings Aussenseiter der Gesellschaft — Die Verbrecher der Gegenwart, Band 5 (1925)

Verlag Die Schmiede, Berlin 1925 (77 S.)

Ivan Goll : Assurance contre le Suicide ; représentée à Paris au Studio Art et Action, 20 et 21 mars 1926

L'Excelsior - 12 mars 1927 - Charles Méré : Théâtre des Mathurins " Mathusalem " ou "l'Eternel bourgeois" drame - bouffe en 10 Tableaux d'Yvan Goll, musique de M. Maxime Jacob

"... si extravagante qu'elle soit, la fantaisie de M. Yvan Goll est imprévue, abracadabrante et pour le spectateur définitivement blasé,  ce spectacle est un régal, car il ne ressemble à rien. Vais-je vous raconter la pièce? elle est inénarrable dans toute l'acception du terme. Les décors, les costumes, la mise en scène procèdent du même esprit, directement influencé par l'art Dada. C'est drôle, systématiquement excentrique...Ça repose! MM. Harry James, Jean Painlevé, Maurice Lagrenée, Mmes Ducouret, Avril jouent imperturbablement cette étonnante pochade. "

(L'auteur de cet article, Charles Méré qui persiste à écrire Yvan Goll,  avait assisté à une répétition en avant-première au Théâtre des Mathurins où, comme au Théâtre Michel, les trois coups étaient remplacés par une annonce de course - Plus que 3 secondes - plus que 2 secondes - plus qu'une seconde - partez! )

Comoedia - 12 mars 1927

Max Frantel : " Le Loup blanc a donné son premier spectacle "

Au Théâtre Michel

Le Loup blanc a donné son premier spectacle :

Mathusalem de M. Ivan Goll, que nous a montré pour son premier spectacle le groupe d'avant-garde Le Loup blanc, contient du meilleur et du pire. Mais c'est une œuvre qui certes n'est pas indifférente. En l'écoutant, on pense à Têtes de rechange. L'on m'a dit que Mathusalem avait été écrite avant la pièce de M. Pellerin . Je n'en sais rien. Mais Mathusalem est encore dans les cornues du laboratoire, tandis que pour Têtes de rechange la distillation est terminée .

Quelle histoire nous conte-t'on en ces tableaux symboliques, par la bouche de ces personnages au visage couvert d'un masque ? L'éternelle opposition du réel et de l'idéal . Mathusalem le bourgeois, propriétaire d'une firme de chaussures qui a des succursales dans les cinq parties du monde . Il ne songe qu'à ses affaires et à ses plaisirs : la table et une maîtresse . Il craint sans cesse l'écroulement de sa fortune et toutes les voix des révoltés du monde lui arrivent effrayantes . Mais son optimisme a le dessus et dans son rêve il voit un acteur qui répète Hamlet et qui tient le crâne de Yorick entre ses mains . Lui trouve cela fade et sans nul attrait ; il ôte le crâne d'entre les mains d'Hamlet et met à la place une chaussure . Hamlet n'a plus qu'à recommencer sa méditation : To be or not to be !

Tout cela, quoique biscornu est excellent . C'est le premier tableau, dont je n'aime pas le décor aux lignes trop nettes, aux couleurs trop heurtées . Et cependant l'on a tenté je crois de représenter par une sorte de chemin en spirale tout le flou de l'esprit créateur quand il conçoit une œuvre . Alors ? Il fallait estomper !

Le deuxième tableau est, lui, beaucoup plus harmonieux. Le texte en est très heureux et le décor . Trois personnages qui représentent les diverses aspirations d'un même être : Toi, Moi, Lui, courtisent la même femme, l'un avec sincérité, les autres avec moquerie . Le décor avec la Tour Eiffel sur un fond noir est très évocateur. Il y a là-dedans une fantaisie très savoureuse. J'aime moins le reste de la pièce qui semble se précipiter ; et cela nuit aux proportions de l'ensemble . Mathusalem voudrait marier sa fille Ida à un bourgeois cossu. Mais Ida a un amant. Félix, le fils de Mathusalem, venge l'honneur de la famille en tuant le séducteur, un étudiant russe . Mais comme nous sommes dans la fantaisie, les gens qu'on tuent ici se portent assez bien. Et l'étudiant ressuscité, qui est un peu bolcheviste, tue le Bourgeois Mathusalem. Mathusalem ressuscité aussi est au dernier rideau. Sa fille est mariée à l'étudiant : elle a un poupon ; et elle semble, elle qui était poésie, illusion, rêve, fort embourgeoisée. Le mariage tue l'amour ! Seul, l'étudiant pleure l'idéal d'égalité et de justice universelles perdu.

Une agréable musique de M. Maxime Jacob, une musique qui n'est point trop révoltée, peut-être pas assez, accompagne le texte. La mise en scène adroite et subtile est de M. A. Sti, la décoration est de Medgyès; je l'ai dit, je n'aime pas son premier décor, mais j'aime beaucoup le second. Parmi les acteurs, il y a M. Maurice Lagrenée qui dit admirablement son texte et sait par d'intelligentes nuances le faire valoir; dans le rôle d'Ida Mlle Gine Avril est le printemps et la grâce même. M. Harry James compose pittoresquement Mathusalem. M. Pierre Noyelle est Lui; il dit peu de chose, mais cela est assez pour que nous goûtions son talent qui est grand. M. Jean Painlevé , le fils de notre ministre de la Guerre, jouait le rôle de Félix, le fils de Mathusalem . Félix ! Il l'a été dans son interprétation ! (Félix , je le dis pour ceux qui ne savent que la langue du jazz-band, signifie heureux ! ). Les autres acteurs : Mmes Clary-Monthal, Lily Janlys, Jacqueline Delubac, Monique Stani ; MM. Henri Marchand et Daniel Durret . L'orchestre était dirigé par M. Robert Chabé qui fit exécuter la partie symphonique à ses musiciens excellemment, avec beaucoup de délicatesse et de finesse. Dans l'orchestre : MM. Morel, Blachet, Rible, Adriano, Rumeau et Maxime Jacob. Le cinéma participe aussi à l'action : il nous montre Le rêve de Mathusalem . Ce court film était incontestablement très amusant et mériterait une analyse détaillée. Les deux autres bouts de film, L'Enterrement et Le Mariage , pour plaisants qu'ils fussent m'ont apparu un peu comme les hors-d'œuvre. Mais n'étions-nous pas au royaume de la fantaisie surréelle ? » Max Frantel .

Ivan Goll - lettre du 12 mars à Jean Painlevé

Cher ami,    

Ainsi, après que vous ayez préparé Mathusalem, ma chère oeuvre, avec tant d’amour et de dévouement - le sort a voulu que je fusse exclu du dernier effort et du suprême élan! Oh, comme je regrette! Mais n’y a-t-il pas beaucoup de votre faute? Pourquoi ne rien m’avoir écrit, m’avoir laissé sans le moindre détail sur votre travail et tout ce qui se préparait. Un petit télégramme de votre part et j’étais dans le train de Paris! Mais votre silence ne pouvait que me faire prévoir que vos répétitions suivaient toujours le même train que depuis le 15 novembre. Seule une lettre charitable de Gine Avril m'a ouvert les yeux, arrivée le soir même de mercredi: jour de la Générale! Faut-il vous décrire mon effarement et mon chagrin?

Ici tout avait si bien marché! Triomphe à l’Opéra d 'Etat, ci-devant impérial, où mon  "Royal Palace" a ébranlé comme une bombe les poutres ancestrales. Un opéra de jazz, avec film, décors cubistes, et une musique effrénée, atonale, toute moderne : un parquet d’élite, le Tout Berlin grossi de curieux accourus de toute l’Allemagne, critiques de Prague et de Francfort. Et ils n’en sont pas encore revenus ? !

Et maintenant: Mathusalem sans moi. Toutes mes joies s’effondrent!

Ecrivez-moi, téléphonez-moi    

votre inconsolable       Ivan

Le Journal - 16 mars 1927

en 1ère page une photo légendée: M. Jean Painlevé qui a joué hier au Théâtre Michel (on le voit dans le costume dessiné par L. Medgyés pour le rôle de Félix, le fils de Mathusalem). En page 2, un article de Géo London: Les débuts au Théâtre de M. Jean Painlevé.

Carte d'Ivan Goll du 30 mars à Jean Painlevé, Ministère de la Guerre, Paris

"Mon cher Jean, je lis à l’instant dans le Figaro que vous allez reprendre "Mathusalem" en soirée dans de nouveaux décors. Bravo bravo bravo! mais j’espère que vous m’enverrez une petite invitation cette fois

Bien amicalement votre Ivan Goll

Die literarische Welt 3 n° 11 - 20 mars 1927: Dolbin B.F. " Der neue Orpheus " und " Royal Palace " von Kurt Weill et Iwan Goll. Zur Uraufführung an der Berliner Staatsoper p.7

Mitropa : Paris brennt / Eine ekstatische Szene mit Jazz. Vers d'Iwan Goll,

Adaptation scénique de Reinhard Braun, Musique de Franz S. Boinnier, Danses de Darja Collin. Régie et mise en scène de Gérard Rutten et Bruno Fritz. Au Central Theater d'Amsterdam, le 17 mars 1928 (Affiche du spectacle du Cabaret des artistes de Berlin)

                            Théâtre Objectif

Le surréalisme, en poésie, pose un problème qui est peut-être insoluble : transformer le monde concret, au moyen du verbe, en un royaume suprasensible . Pour réaliser un tel miracle, il faut des instruments tout à fait sensibles. Et cela sur une scène.

         Le premier drame "nouvellement objectif" , ce fut, je crois, mon "MATHUSALEM". Personne ne l'a jamais remarqué. Car, le metteur en scène lui-même, en ce temps-là, n'en a rien vu. Dans cette pièce, les personnages sont aussi objectivement posés que des statues dans une galerie. Chacun d'eux vit exclusivement sa propre vie. L'égoïsme, l'instinct naturel de la conservation, tissent autour de chacun une atmosphère personnelle si dense que tout contact avec ses semblables devient difficile. Et il en est ainsi dans la réalité : chaque personnage d'une famille est emmailloté dans une couche épaisse de sa vie propre.

Chacun monopolise toujours, - même s'il dialogue avec les autres. Aussi avais-je volontairement renoncé à tout dialogue continu. Ç'aurait dû être la tâche de la Mise en Scène, que de faire suinter au dehors l'existence interne de ces malheureux bourgeois, éternellement isolés dans leur égoïsme; il eût fallu traiter ces personnages avec une certaine rigidité, comme des types-standard. (Au lieu de cela, tout fut délayé dans un style d'opérette).

Dans l'ensemble, il existe encore peu d'oeuvres surréalistes. Mais un metteur en scène est là, qui pourra les réaliser : KARLHEINZ MARTIN. Là où la forte réalité se cache, honteuse, derrière les mots, il sait la projeter au dehors et la faire agir. Il n'est pas seulement interprète, exégète de l'œuvre : il est le collaborateur du poète.

Aujourd'hui, en Russie, les dramaturges recommencent à écrire leurs oeuvres sur commande, comme ce fut toujours l'usage dans les temps plus anciens, et après une délibération intime avec les directeurs de théâtre. C'est peut-être la bonne voie, non seulement pour la "nouvelle objectivité", mais pour un bon théâtre objectif en général.

Ivan Goll

Sagesse (Cahier 15-16) printemps - été 1931

Cahiers trimestriels de Littérature et d'Art, Directeur Fernand Marc  .

Textes et poèmes de : Géo Norge, Lorna Réa, Ivan Goll : Mélusine Acte IV - scène 1 avec un dessin inédit de Joaquim, Raoul Gain, René Vaës, Georges Linze.

Les livres par Adrien Copperie, Robert Revel, Jacques-Robert Duron.

Illustrations par Claysen, Picasso, de Chirico, Carla Vica, Marie Laurencin, Van Leckwick, Joaquim, Victor Servranckx, Gilles Pax, Calder, Jaques Maret.

Paris, Les Nourritures Terrestres. in - 4 broché

Ivan Goll : Tcheliouskine (épopée - cantate Tscheljuskin en allemand) 1935 musique du compositeur David

à compléter pages 357 Meiner Seele Töne

Ivan Goll : Marie Bashkirtscheff (pièce écrite en 1935 ; Goll qui avait pensé la faire monter par Bruckner et la faire jouer par Alice Cocéa qui avait le manuscrit, sinon par Marie Bell, Boggaert, Jenny Holt, Madeleine Ozeray ou Ludmilla Pittoeff, apprend qu'une pièce sur le même sujet va se donner à Vienne et dans une lettre à Claire du 12 octobre , il décide qu'il n'écrira plus pour le théâtre « je jette le manche après la cognée.»

Revue du Rhin - 2ème année - n° 10, octobre 1938 :

Ivan Goll : Le Théâtre à Paris

Georg Kaiser : L'incendie à l'Opéra, trad. de Claire Goll, nouvelle version de Boris Vian . Théâtre Babylone, Paris 1953

Iwan Goll : Mélusine, Pièce en 4 actes, dédiée à Claire-Mélusine

Gustav Kiepenheuer Verlag, Berlin 1956

Programme de Mélusine, pièce lyrique en 4 actes de Marcel Mihalovici et d'Yvan Goll, au Hessiches Staatstheater de Wiesbaden avec une caricature de Goll par lui-même et photographie. Textes de Jules Romain et de Claire Goll. Première le 10 mars 1956. Direction Werner Weinheuer, mise en scène Rolf Muller, décor Ruodi Barth, costumes Ursula Inge Amann.

Yvan Goll : Mathusalem - Les Immortels (Théâtre) 18 cm. - 157 p.

L'Arche, Paris 1963

Henri Béhar : Etude sur le Théâtre Dada et Surréaliste : p.64 à 68, Yvan Goll

N.R.F. Gallimard, 1967

Sur la même ligne que Pierre Albert-Birot, Yvan GOLL est parmi les épigones de Jarry et d’Apollinaire. Il apporte en outre au théâtre français une couleur expressionniste. Parfaitement bilingue, aussi à l’aise parmi l’avant-garde berlinoise (à qui fut d’abord présentée sa pièce) qu’à Paris où il avait de nombreux amis, il ne sut malheureusement pas choisir entre l’expressionnisme, l ' "apollinarisme "et les tendances nouvelles, de sorte qu’il se vit successivement écarté par Dada et par le groupe d’André Breton. Il fonda la revue  "Surréalisme" qui s’inspirait directement de la doctrine d'Apollinaire, un mois à peine avant la publication du premier "Manifeste" de Breton. Autant dire qu’elle fut immédiatement éclipsée.

Pourtant “ Mathusalem ou l’éternel bourgeois “, drame satirique écrit en 1919, ne manque pas d’originalité dramatique. Comme Apollinaire avait transposé, faisant du choeur antique le mégaphone, du bâton le pistolet, Goll chercha de nouveaux moyens d’adaptation du théâtre au public contemporain et les trouva dans le surréalisme et l’alogique. Entendons-nous bien, il n’est pas question d’automatisme et d’inconscient comme chez Breton. Pour lui, "le surréalisme est la plus forte négation du réalisme. Il fait apparaître la réalité sous le masque de l’apparence ".La règle du dramaturge surréaliste sera donc de mettre les instincts à nu, au détriment du caractère et de la psychologie. Quant à l’alogique, qui a pour but de tourner en ridicule les conventions, elle s’exprimera par l’humour et servira à montrer les multiples pensées qui traversent l’homme en un seul instant.…(suit une analyse de la pièce) Plus que la fantaisie bouffonne de cette histoire morale, nous intéresse la dramaturgie. L’auteur ne demande pas au spectateur de s’identifier à l’un quelconque de ses personnages, au contraire, il fait tout pour l’en détacher par la caricature, par l’emploi de masques, par l’intervention d’automates dérisoires qui racontent des histoires à pleurer. Devant Mathusalem, il fait surgir son double, qui est la conscience d’Ubu. Quand il dort, on projette ses rêves filmés (érotisme et peur animale). L’étudiant, comme l’amoureux de Larountala, est figuré par trois acteurs qui sont: Moi (l’être bassement réel), Toi (l’être social), Lui (le subconscient obscène). Parfois le dialogue délicieusement absurde préfigure le théâtre d’aujourd’hui:

Mathusalem: Mon fils a fait hier une manille.

Mme Camphre:  Notre fille prend tous les jours le tramway 28.

Mathusalem:  Quand mon fils sort, il n’oublie jamais ses cigarettes.

Mme Camphre: Mais ce sera un couple merveilleux! A quand les fiançailles? (p.61)

Yvan Goll fonda en 1924 un "théâtre surréaliste" où il comptait faire jouer Apollinaire, Albert-Birot, Maïakowski, Stramm, etc.…En fait son projet échoua, mais Mathusalem fut représenté par la compagnie du Loup blanc au Théâtre Michel, à partir du 10 mars 1927…

La presse fut unanimement favorable au spectacle  (1) et parla de dadaïsme et de surréalisme avec sympathie. Toutefois, on ne peut pas dire qu’elle se trompait totalement en employant ces termes, car les espèces de marionnettes livrées en proie au public, la compénétration du film et du théâtre pour transcrire un rêve, l’accent mis sur l’absurdité du langage, sont bien des thèmes et des techniques cultivés par ces deux mouvements. Avec "Les Immortels ", deux surdrames à peine postérieurs …(suit l’analyse des "Les Immortels "). Le premier de ces "surdrames ". Celui-qui-ne-meurt-pas, illustre avec beaucoup de grotesque (c’est une qualité dramatique) l’idée que l’artiste malgré toutes les forces liguées contre lui, ne périt pas dans la mémoire des hommes. La technique théâtrale fait songer aux "Mariés de la Tour Eiffel ", bien que l’oeuvre d’Yvan Goll leur soit antérieure de quatre ans et qu’elle soit restée inédite jusqu’en 1963. De même,  Assurance contre le Suicide, qui pourrait vérifier l’idée que la femme s’attache à celui qui saura toujours l’étonner, est une farce aux multiples interprétations possibles.

Yvan Goll marque une étape notable dans le théâtre que nous étudions, en opérant la jonction entre certaines formes de l’expressionnisme (qui ont influencé dadaïsme et surréalisme au théâtre) et un spectacle qui revêt la plus apparente dérision pour nous communiquer les angoisses d’une jeunesse aux prises avec un univers adulte qui nie ses plus chères valeurs, son idéal d’amour et ses aspirations sociales.

(1) à l’exception de la presse dite de droite (voir extraits de presse de 1927 concernant "Mathusalem ")

Schlocker Georges : Le cas Yvan Goll dans "L'Expressionnisme dans le théâtre européen"

1971 (pages 133 à 139)

Lionel Richard : Encyclopédie de l'Expressionnisme : Peinture et Gravure, Sculpture, Architecture, Littérature, Théâtre, La Scène expressionniste, Cinéma, Musique. Traduit de l'allemand par J.J. Pollet, Lionel Richard, Claude Sebish et Chantal Simonin .

Editions Aimery Somogy, Paris 1978

Jean-Michel Palmier : L'Expressionnisme et les Arts -

1-Portrait d'une génération :

Yvan Goll p. 180 à 194 ( 358 p.)

2-Peinture, Théâtre, Cinéma (352 p.)

Editions Payot, Paris 1979 ( Publication du Centre de Recherche Erwin Piscator / Département d'Etudes des pays anglophones, Université de Paris VIII-Vincennes)

Valentin Jean-Marie : "Das neue Drama sei enorm" !

Surréalité et Grotesque dans le Théâtre d'Ivan Goll, p.82 à 96

Etudes Germaniques 43 - Janv-Mars 1988

Encyclopédie de l'Expressionnisme : Peinture et Gravure, Sculpture, Architecture, Littérature, Théâtre, La Scène expressionniste, Cinéma, Musique

Lionel Richard Traduit de l'allemand par J.J. Pollet, Lionel Richard, Claude Sebish et Chantal Simonin, broché. Nouvelle édition.

Somogy Editions d'art, Paris 1993

Yvan Goll (1891 -1950) Situations de l'écrivain, Etudes réunies par Michel Grunewald et Jean-Marie Valentin.: Maryse Staiber /Adrien Finck : Yvan Goll et la Littérature alsacienne - Charles Fichter : Un esprit allemand a recours aux temps bibliques - Michel Grunewald : Yvan Goll, les Français, les Allemands, les Européens (1918 - 1934) - Albert Ronsin : Yvan Goll et André Breton, des relations difficiles - Liliane Meffre : Yvan Goll et Carl Einstein - Henri Béhar : Regards sur Yvan Goll et les avant-gardes - Remy Colombat : Yvan Goll ou l'expressionnisme contrarié - Philippe Brun : Yvan Goll à la recherche d'une nouvelle théorie poétique .Aimée Bleikasten : Traumkraut ou le secret des mots . Jean-Marie Valentin : Le théâtre de Goll et sa modernité. Jeanne Lorang : Yvan Goll et l'attrait des arts mineurs. Isabelle Bedouelle : Repères bibliographiques. 236 p.

Collection "Contacts", Série II - Gallo-germanica. Volume 12

Peter Lang, Editions scientifiques européennes,

Bern, Berlin, Frankfurt / M., New-York, Paris, Wien, 1994

Geneviève Latour, avec la complicité d'Arlette Albert-Birot:

Les Extravagants du Théâtre de la belle époque à la drôle de guerre

Avant-propos de Jean Tibéri, Maire de Paris . 349 pages

Yvan Goll p.133 à 141, 178, 190, 211, 213

Paris bibliothèques Editions, Paris MM (2000)

Le Monde Mardi 21 mars 2000

Page 34 : Ces extravagants qui voulaient changer le théâtre

" Ivan Goll, je connaissais parce que j'avais lu les poèmes de sa femme, dans ma jeunesse, quand j'étais tuberculose...

. Avez retrouvé des pièces injustement oubliées ?

Oui. Mathusalem, d ' Ivan Goll, est une pièce sublime. Elle commence exactement comme La Cantatrice Chauve de Ionesco. Mathusalem est un marchand de chaussures. On le voit chez lui, avec sa femme. Il lit son journal, elle s'occupe.

Et ils disent des phrases qui ne veulent rien dire. Je ne comprends pas que Jérôme Savary ne remonte pas ça. Ça attaque tout... "

Et maintenant, un dialogue entre une caissière, Véronique, et un journaliste, camembert.

Camembert : je crois que l'hiver va bientôt venir.

Véronique : les fourrures de chinchilla sont à la mode.

Camembert : Et la Rio Tinto, Ma Chère ?

Véronique : Aimez vous les framboises ?

Camembert : Je préfère Rembrandt.

Cela se trouve dans Assurance contre le suicide, d'Yvan Goll (1891-1950) qui prônait l '" alogisme dramatique" pour casser la convention du langage. Il compte parmi les écrivains injustement oubliés, selon Geneviève Latour, qui tient en haut estime sa pièce Mathusalem.

Yvan Goll nous introduit chez les Autant-Lara qui furent les premiers à le jouer. Les parents du cinéaste Claude Autant-Lara ont mené une des expériences des plus austères dans son extravagance .


[1] TOLLER ERNST (1893-1939)

Fils d’un commerçant juif, de la partie de la Pologne annexée alors par la Prusse, Ernst Toller s’engage volontairement lors de la Première Guerre mondiale. Réformé pour sa mauvaise santé, il devient un ardent antimilitariste et sa révolte remet radicalement en cause toutes les valeurs de la génération des pères: «La jeunesse allemande s’est engagée volontairement, sincèrement convaincue qu’elle devait défendre son pays et son peuple. La jeunesse allemande a été honteusement trompée, elle a été victime d’hommes sans foi ni loi, elle a été assassinée sur les champs de bataille.» Sa propagande pacifiste lui vaut des poursuites. Spartakiste à la fin de 1918, il prend part à la révolution de Munich avec Kurt Eisner, puis est membre du gouvernement révolutionnaire bavarois. Condamné à mort après l’écrasement des soviets de Bavière, il voit sa peine commuée en cinq ans de forteresse. C’est alors qu’il commence à écrire, sans jamais séparer sa création littéraire de son engagement de militant pacifiste.                                                                                               Quatre drames expressionnistes forment l’essentiel de son œuvre, d’une véhémence toujours authentique, stylisant les personnages, faisant alterner les scènes irréelles et les épisodes réalistes. Après L’Évolution  (Die Wandlung , 1919), L’Homme-foule  (Der Masse-Mensch , monté par Piscator à Berlin en 1921) met en scène l’échec de l’idéal pacifiste devant la violence aveugle. En 1923, c’est Hinkemann, l’Allemand  (Der deutsche Hinkemann ): le héros est un blessé de guerre éclopé qu’on exhibe dans les foires où il égorge des souris et des rats pour amuser la foule. Enfin dans Hop-là, nous vivons  (Hoppla, wir leben , 1926), Toller fustige la société allemande de la république de Weimar, son chauvinisme, son absence de démocratie véritable. Le personnage principal de la pièce, Karl Thomas, ancien révolutionnaire condamné à mort, puis gracié, ne peut que regarder le monde avec dégoût. Il projette un attentat contre un ministre, mais un étudiant fasciste le devance. Thomas est néanmoins accusé du meurtre et choisit de se suicider.                                                        Conclusion prémonitoire? Chassé d’Allemagne par l’avènement de Hitler, Toller poursuit en exil son activité antifasciste, notamment en Espagne où il se dépense pour les enfants des réfugiés. Désespéré par l’abandon de la Tchécoslovaquie à Hitler et par le triomphe de Franco, il se pend à New York dans une chambre d’hôtel en mai 1939.      1999 Encyclopædia Universalis France S.A. Tous droits de propriété intellectuelle et industrielle réservés

[2] Goll en a lui-même tiré un texte pour le théâtre . Ce texte est introuvable.

La traduction française "La Vierge Rouge "est consultable à Saint-Dié:  Ms .548.(traduction de Gilberte MARCHEGAY,  inédite à ce jour.)

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Théâtre de Goll
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